Christian Deleuze (AFPC) : « Les pôles de compétitivité ont prouvé leur efficacité dans le soutien aux entreprises innovantes »
Nommé le 17 juin président de l’Association française des pôles de compétitivité (AFPC) pour un mandat de trois ans, Christian Deleuze, président du pôle de santé francilien Medicen et directeur général délégué à l’innovation de Sanofi, insiste sur le rôle stratégique des pôles, en tant que levier d’innovation, pour la souveraineté industrielle française.
Pour la première fois depuis la création de l’AFPC en 2013, sa présidence est confiée à un président de pôle de compétitivité dans le champ de la santé. Faut-il y voir une reconnaissance pour le secteur ?
Christian Deleuze : L’AFPC avait été créée à l’initiative de Jean-Luc Beylat, président de la recherche globale de Nokia et du pôle Systematic, qui a assumé la présidence pendant trois mandats consécutifs et a permis le rapprochement des pôles avec diverses instances, notamment la Direction générale des entreprises. Il est intéressant que le nom d’un président de pôle santé ait été proposé pour sa succession. Cela n’aurait peut-être pas eu lieu avant la pandémie de Covid-19, qui nous a amenés à mesurer l’importance stratégique et hautement politique du secteur de la santé, notamment sur le plan de l’innovation.
A cette occasion on a beaucoup parlé de l’indépendance sanitaire de l’Europe et de la France, et de la nécessité de doper notre recherche. Or, c’est le rôle des pôles de compétitivité en santé de favoriser le rapprochement et l’amélioration des relations entre l’industrie pharmaceutique et la sphère académique. Ils jouent en quelque sorte le rôle de tiers de confiance pour des collaborations de long terme, dans lesquelles la dimension commerciale est moins prégnante.
Quelle nouvelle impulsion comptez-vous donnez à l’AFPC durant votre mandat ?
Je me place dans la continuité des mandats de mon prédécesseur. Et je vois d’emblée deux enjeux majeurs. Nous devons d’abord faire en sorte que soient sacralisés les investissements de l’Etat de France 2030 pour faire émerger des projets innovants dans tous les secteurs stratégiques pour la France (santé, nucléaire, environnement…), et ce quel que soit le Premier ministre qui sera nommé. Une nouvelle campagne de labellisation des pôles est prévue en 2026 : il faudra la préparer avec les représentants de l’Etat, pour conforter l’action des pôles en matière d’accélération de l’innovation, de croissance des entreprises et de création d’emplois dans les territoires. Le second enjeu est de permettre à nos adhérents de répondre aux objectifs de la feuille de route France 2030. La numérisation, le développement de l’IA, la décarbonation de l’industrie, la formation des talents dont nos entreprises auront besoin, et plus largement la responsabilité sociétale des entreprises, sont des sujets qui impacteront tous les secteurs. L’AFPC aura à formuler des propositions claires pour répondre aux besoins de ses membres pour qu’ils continuent demain à innover et soient compétitifs.
Près de 20 ans après leur création, en quoi les pôles de compétitivité restent-ils des outils indispensables aujourd’hui ?
Depuis leur lancement, les pôles ont drainé plus de 55 milliards d’euros d’investissements publics et privés, ils regroupent aujourd’hui près de 16 000 adhérents, qui ont contribué à l’émergence de milliers de projets industriels et à la création de richesses et d’emplois. Ils sont à la fois un levier d’innovation et d’aménagement des territoires, notamment certains qui a priori semblaient moins prédestinés à accueillir des acteurs de l’innovation. 57 pôles ont l’an dernier été labellisés ou relabellisés, montrant ainsi qu’ils ont fait la preuve de leur efficacité pour soutenir les entreprises de leur secteur. Et comparativement à d’autres profils d’agences, ces associations public-privé sont des outils qui ont coûté assez peu cher à l’Etat et aux régions qui les co-financent. Continuer à se rapprocher et à travailler avec l’Etat et les autres acteurs et associations soutenant l’innovation, est un point clé pour maximiser les retours sur investissement.
Vous avez co-créé l’alliance de pôles de santé Enosis (1) en 2022, que vous présidiez jusqu’en mai 2024. Quel premier bilan en tirez-vous ?
La création d’Enosis devait répondre à un triple objectif. Le premier était de refaire parler des pôles santé, de permettre aux acteurs publics de redécouvrir leurs missions et leurs actions. Pratiquement tous les projets d’Instituts hospitalo-universitaires (IHU) ou de Recherche hospitalo-universitaire (RHU) ont à un moment ou à un autre été soutenus et labellisé avec les pôles santé, qui sont également impliqués dans chacun des bioclusters lancés depuis trois ans ! Le deuxième était de mettre des ressources en commun sur des sujets transversaux au service de nos adhérents (formations, webinar, etc…).
Enfin, et peut-être surtout, il s’agissait de se présenter de manière unie et organisée, face à l’Agence de l’innovation en santé (AIS) en cours de création, comme un acteur incontournable pour assurer un bon usage des financements de France 2030. Enosis a ainsi signé une convention avec l’AIS et s’est également rapprochée d’autres acteurs, tels que la French Care, avec qui nous avons signé une convention de partenariat pour mener des actions concertées en région. Cette alliance est un succès, sur lequel nous allons continuer à construire sous la présidence d’Eurobiomed cette année.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) L’association Enosis fédère les pôles BioValley (Grand-Est), Eurobiomed (Languedoc-Roussillon et PACA), Lyonbiopôle (Auvergne-Rhône-Alpes) et Medicen (Ile-de-France).