Wegovy® lancé en France sans remboursement
Le blockbuster anti-obésité de Novo Nordisk est désormais commercialisé en France, alors que l’ANSM vient de publier une recommandation restreignant ses conditions de prescription par rapport à son AMM. Un nouvel avis de la Commission de la transparence est attendu prochainement suite à la soumission de nouvelles données de phase III démontrant un bénéfice cardiovasculaire.
Définie par un indice de masse corporelle (IMC) d’au moins 30 kg/m², l’obésité concerne 10 millions de personnes adultes en France. Les thérapies de type agonistes du GLP1 viennent bouleverser la prise en charge. Lancé aux Etats-Unis en 2021, Wegovy® (sémaglitude 2,4mg) de Novo Nordisk – qui repose sur le même principe actif que son antidiabétique Ozempic® – a vu ses ventes mondiales exploser rapidement, atteignant en 2023 le triple de celles de son a-GLP1 de première génération Saxenda® (liraglutide), commercialisé aux Etats-Unis en 2014 et en France en 2021. Les études cliniques ont en effet démontré une efficacité de Wegovy®, administrable par injection sous-cutanée hebdomadaire, bien supérieure à celle de son prédécesseur (à prise quotidienne), avec une perte de poids moyenne de 15 à 17 % après 68 semaines de traitement. Pour autant, « un traitement ne chassera pas l’autre : avec Wegovy®, on dispose d’une option thérapeutique supplémentaire, s’est réjoui le Pr Sébastien Czernichow, chef du service de nutrition à l’Hôpital Européen George Pompidou, lors d’une conférence de presse organisée par la filiale française du laboratoire danois. Nous devons maintenant travailler à la construction d’un parcours de soins pour cette maladie chronique… et nous n’en sommes qu’au début ! » « La prise en charge doit être personnalisée car chaque patient est différent », ajoute Isabelle Lonjon-Domanec, directrice médicale de Novo Nordisk France, tout en rappelant que « l’obésité se traite, mais ne se guérit pas ».
Un nouvel avis de la CT attendu
Wegovy® est aujourd’hui vendu dans une quinzaine de pays. Il est autorisé en Europe depuis janvier 2022 (1). En France, plus de 9 000 patients avec un IMC > 40 kg/m² et au moins un facteur de comorbidité ont déjà reçu ce médicament à titre dérogatoire (ATU nominative puis accès précoce) depuis début 2022. Les patients ayant déjà initié le traitement dans ce cadre continueront d’en bénéficier à titre grâcieux jusqu’au 31 janvier 2025. La commission de la transparence de la HAS a délivré fin 2022 un avis favorable au remboursement – assorti d’une ASMR V – conditionné à la soumission dans un délai de deux ans des résultats de l’étude de phase III SELECT. La réévaluation du médicament est en cours par la CT, et ce nouvel avis déclenchera la négociation du prix avec le CEPS.
Mais comme pour la plupart des autres pays européens où le médicament a déjà été lancé, et comme pour Saxenda® en France, Novo Nordisk a fait le choix de démarrer sa commercialisation sans attendre une décision de remboursement effective. Selon le prix fixé par le laboratoire et les marges appliquées par les grossistes et pharmaciens, « le coût du traitement pourrait revenir à 9 à 12€ par jour », indique Etienne Tichit, directeur général de la filiale française et vice-président corporate. Soit un peu moins qu’un paquet de cigarettes…
L’ANSM s’est toutefois prononcée, dans un avis publié ce 8 octobre , en faveur d’une restriction de prescription de l’ensemble des a-GLP1 aux patients ayant un IMC > 35 kg/m², en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle. La prescription initiale est, pour l’instant, réservée aux médecins spécialistes de l’obésité, le renouvellement pouvant être effectué par le médecin traitant. « Et on ne peut pas envisager d’utiliser ces médicaments sans changer de mode de vie : l’accompagnement des patients par la médecine de ville est primordial », insiste le Pr Czernichow.
Des bénéfices cardiovasculaires démontrés
De l’aveu du Pr François Schiele, cardiologue au CHU de Besançon, sa profession s’est, jusqu’à récemment, assez peu préoccupée des conséquences de l’obésité sur les maladies cardiovasculaires. Les données de l’étude SELECT – soumises à la commission de la transparence en mai dernier – « ouvrent des horizons », estime le praticien. Cet essai clinique conduit sur plus de 17 000 patients avait précisément pour objet de s’intéresser au potentiel de prévention secondaire de Wegovy® chez des personnes en surpoids, non diabétiques mais ayant déjà une maladie cardiovasculaire établie. Les résultats montrent une réduction relative de 20 % du risque d’évènement majeur de type MACE, un critère composite incluant les décès d’origine cardiovasculaire, les infarctus et les AVC non mortels. Pour autant « de nombreux mécanismes restent encore à élucider », observe le Pr Schiele.
Par ailleurs Wegovy® n’est pas exempt d’évènements indésirables, les symptômes digestifs de type nausées et vomissements étant même particulièrement fréquents lors de l’initiation du traitement et des augmentations de dosage par palier. Un suivi à long terme des effets secondaires sera nécessaire.
Julie Wierzbicki
(1) L’AMM européenne concerne les patients obèses ainsi que les personnes en surpoids (IMC > 27 kg/m²) présentant au moins un facteur de comorbidité cardiométabolique, et en complément de mesures hygiéno-diététiques. Elle a été étendue aux adolescents de plus de 12 ans en mars 2023.