VRS : de nouvelles armes contre un fléau sanitaire
Touchant principalement les nourrissons et les personnes âgées, le virus respiratoire syncytial (VRS) met chaque hiver le système de santé sous pression. Des solutions sont aujourd’hui disponibles pour prévenir ces infections : les experts réunis par Pharmaceutiques font le point sur ces stratégies.
« Un fléau habituel » : ainsi le Pr Bruno Lina, directeur du Centre national de référence virus des infections respiratoires des Hospices Civils de Lyon, décrit-il le virus respiratoire syncytial (VRS). La première table ronde de la web-conférence Maladies respiratoires organisée le 28 novembre dernier par Pharmaceutiques (1) est ainsi dédiée à la prévention de cette infection. Responsable de près de la moitié des cas de bronchiolites chez les nourrissons (davantage en période de forte circulation du virus), « le VRS impacte de façon très forte les services hospitaliers pédiatriques, qui se retrouvent embolisés ». Les conséquences de l’infection peuvent aller jusqu’au décès, même si en France ceux-ci demeurent « exceptionnels ». Mais ses effets à long terme, par exemple sur le risque asthmatique, sont encore mal connus.
Un anticorps pour prévenir les hospitalisations
« La notion du risque lié au VRS et plus largement à la bronchiolite est très ancrée chez les parents », témoigne Bruno Lina. Une perception qui explique certainement « l’adhésion remarquable » des parents et des soignants aux solutions préventives récemment rendues disponibles. « 80 % des parents sont d’accord pour l’administration de Beyfortus® à leur nouveau-né ! », constate le Pr Anne-Claude Crémieux, présidente de la Commission technique des vaccinations de la HAS. Cet anticorps monoclonal délivré par injection intramusculaire en dose unique, initialement développé par MedImmune (AstraZeneca), est commercialisé par Sanofi. Tout juste autorisé en Europe, le produit n’était pas encore disponible en France à l’hiver 2022-2023, qui a connu une très forte épidémie de VRS.
« L’engouement » pour Beyfortus® a surpris le leader pharmaceutique français, qui n’avait initialement prévu un approvisionnement que de 200 000 doses sur le territoire – d’où la mise en place de règles de priorisation au cours de la saison épidémique 2023-2024. « Mais dès cette première campagne, nous avons généré des données de vie réelle », indique Vincent Aroles, directeur médical vaccins de Sanofi France. L’étude Harmonie, conduite en France et en Allemagne, « montre une réduction de 84 % des hospitalisations », se félicite le dirigeant, affirmant que « les agences ont presque toutes reconnu l’aspect révolutionnaire de ce médicament ». En France, la Commission de la transparence de la HAS s’est toutefois montrée moins enthousiaste, n’octroyant à Beyfortus® qu’un service médical rendu (SMR) « modéré » et une ASMR « mineure » (niveau IV) dans sa réévaluation publiée le 21 novembre dernier.
Un vaccin pour les femmes enceintes
Tout en jugeant Beyfortus® « tout à fait efficace », Anne-Claude Crémieux a souligné l’importance de disposer de solutions alternatives, pour faire face « à l’éventuelle émergence de résistances » et aussi pour les cas où les parents hésitent à injecter un médicament à leur nouveau-né. Un vaccin qui s’adresse aux femmes enceintes (Abrysvo®, de Pfizer) a été inscrit au remboursement l’été dernier. Celui-ci doit être administré au cours du huitième mois de grossesse et au moins 14 jours avant l’accouchement, pour permettre une transmission satisfaisante des anticorps de la mère à l’enfant à naître. « Il y a beaucoup de préjugés sur la réticence des femmes enceintes à se faire vacciner : le plus souvent, c’est lié au fait que leur médecin ne leur a pas proposé cette possibilité, assure le Pr Crémieux. Mais quand les populations cibles perçoivent le risque de l’infection et l’efficacité du vaccin, elles adhèrent ! » « Le vaccin comme l’anticorps monoclonal sont des outils de prévention des formes sévères, mais ils n’empêchent pas l’infection », rappelle toutefois Bruno Lina.
Les personnes âgées aussi exposées
Même si son impact délétère est « un cran en-dessous » de celui des virus de la grippe ou du Covid-19, le VRS affecte aussi les personnes âgées, « avec le risque d’un basculement en situation de dépendance », expose Bruno Lina. « On voit les courbes de mortalité et d’hospitalisation fortement augmenter à partir de 75 ans et chez les personnes présentant des facteurs de vulnérabilité : une infection au VRS augmente le risque de décompensation cardiovasculaire », confirme Anne-Claude Crémieux, évoquant le risque de cas groupés et de foyers de contamination au sein des Ehpad. « Dans les établissements, mieux vaut privilégier une stratégie induisant une immunité collective, c’est-à-dire un vaccin », renchérit le Pr Lina. Suite à l’avis de la HAS l’été dernier, la mise à jour cet automne du calendrier vaccinal recommande désormais la vaccination contre le VRS, avec Abrysvo® (Pfizer) ou Arexvy® (GSK) chez les plus de 75 ans et chez les plus de 65 ans présentant certaines comorbidités.
L’attention se porte aussi sur un virus respiratoire encore émergent, le métapneumovirus humain (hMPV). Plusieurs laboratoires pharmaceutiques développent déjà des vaccins combinés VRS-hMPV pour les personnes âgées, dont Sanofi, qui mise sur une approche fondée sur l’ARN messager.
Julie Wierzbicki
(1) Cette web-conférence a bénéficié du soutien institutionnel de Chiesi, de Sanofi, du Collectif National Allergies, de Santé Respiratoire France et de la Fondation du Souffle
Crédit photos Eric Durand
« On n’évalue pas assez l’impact sanitaire des politiques publiques »
Catherine Deroche, ancienne présidente de la Commission des Affaires sociales du Sénat
En introduction de la web-conférence de Pharmaceutiques, Catherine Deroche, ex-sénatrice et présidente de la Commission des Affaires sociales du Sénat, est revenue sur les enjeux et recommandations du rapport de la Cour des comptes sur la santé respiratoire, qu’elle avait saisie sur ce sujet en 2023. Publié en mai 2024, ce rapport se focalise sur trois pathologies dont l’incidence augmente : l’asthme (4 millions de personnes concernées en France), la BPCO (3,5 millions) et le cancer bronchique (160 000 personnes). Catherine Deroche a notamment relevé que la lutte contre le tabagisme, engagée de longue date, représente 85 % du budget dédié à la prévention en santé respiratoire. Une politique qui commence à porter ses fruits chez certaines populations : « On est passé de 32,4 % de jeunes fumeurs en 2014 à 15,6 % en 2022 », se réjouit-elle, rappelant l’objectif de parvenir à la « première génération sans tabac » en 2032. Elle rappelle aussi l’enjeu de la pollution de l’air, intérieur et extérieur : « Selon Santé Publique France, 40 000 décès chaque année en France sont liés aux particules fines », insiste-t-elle.
La Cour des comptes formule sept recommandations qui pourraient selon Catherine Deroche « être mises en œuvre dans le cadre de la stratégie nationale de santé 2023-2033 ». Parmi elles figurent la mise en place d’une stratégie de prévention individualisée, la promotion de dispositifs numériques, l’adoption d’une feuille de route « maladies respiratoires chroniques » ainsi que l’intégration systématique dans les contrats locaux de santé d’un volet consacré à la qualité de l’air extérieur et intérieur. Tout en déplorant « un manque d’évaluation de l’impact sanitaire des politiques publiques », l’ex-sénatrice rappelle que « la prévention est à terme le meilleur moyen de réaliser des économies et de générer des marges de manœuvre ».