L’immunité innée revalorisée
Alors que des recherches sont en cours pour étudier un éventuel rôle protecteur du vaccin BCG contre les effets du Covid-19, les travaux d’une équipe française dévoilent des mécanismes moléculaires de l’immunité innée qui pourraient conforter cette hypothèse.
Le BCG, nouvelle arme contre le Covid-19 ? Plusieurs essais cliniques sont aujourd’hui en cours à travers le monde pour valider l’hypothèse d’un éventuel effet protecteur de cette vaccination contre la maladie. En France, un essai de phase III randomisé avec bras contrôle, coordonné par l’hôpital Cochin à Paris, doit démarrer avant fin mai. 1120 volontaires seront recrutés chez des personnels hospitaliers soignants et non soignants, pour tester l’impact d’une vaccination préventive par le BCG contre le Covid-19. L’on avait déjà observé par le passé que le BCG pouvait conférer une protection contre certaines maladies respiratoires. Et selon une note de l’Inserm du 1er avril dernier, « des études épidémiologiques ont montré de façon intéressante une corrélation entre taux de vaccination au BCG et taux de morbidité et de mortalité face au Covid-19 ».
Une possible protection contre des complications
Cette nouvelle piste a en réalité été ouverte par une publication en « preprint » (sur le portail medRxiv, avant soumission à une revue), fin mars, d’une étude menée par une équipe du Collège de médecine ostéopathique de l’Institut de technologie de New York. Selon les auteurs, il existerait, dans les différents pays touchés par la pandémie, une corrélation entre une politique de vaccination généralisée contre le BCG et une moindre morbi/mortalité par Covid-19. En revanche, ni cette étude ni aucune autre ne permet à l’heure actuelle de supposer que le vaccin confèrerait une protection quelconque contre une infection par le SARS-CoV2. L’hypothèse aujourd’hui privilégiée par de nombreuses équipes est que le BCG pourrait prévenir certaines complications de la maladie, en premier lieu cette fameuse « tempête cytokinique » – réaction trop forte du système immunitaire, souvent synonyme de passage en réanimation. Comment ? En éduquant les défenses immunitaires de première ligne, le système immunitaire « inné », à réagir plus rapidement et de façon plus régulée en cas de nouvelle infection. « Le BCG est à ce jour un des rares vaccins connus pour agir à la fois sur la mémoire « adaptative » (production d’anticorps) et sur la mémoire innée, non accessible à la vaccination classique », explique Sandrine Sarrazin, du Centre d’immunologie Marseille-Luminy (CIML).
L’ADN garde la mémoire de l’infection
C’est sur les mécanismes moléculaires de cette immunité innée que travaillent Sandrine Sarrazin (Inserm) et de Michael Sieweke (CNRS). Leurs récents résultats ont fait la couverture le 7 mai dernier de la revue Cell Stem Cell. En testant différents agents infectieux (hors BCG), ils ont mis en évidence chez la souris un mécanisme de mémoire « épigénétique » des cellules souches sanguines (présentes chez l’adulte dans la moelle osseuse), d’où dérivent toutes les cellules du système immunitaire. Une première stimulation par certains agents infectieux entraîne une modification durable de la conformation spatiale du repliement de l’ADN de ces cellules. Cette nouvelle conformation favorise, en cas de réinfection, l’expression de certains gènes régulant la production des cellules effectrices de l’immunité innée, comme par exemple les macrophages. Selon Sandrine Sarrazin, « ces nouvelles données confirment tout l’intérêt de la piste de l’immunité innée dans la lutte contre les infections ».
Julie Wierzbicki