ASCO : les immunothérapies toujours en vedette
Bavencio® augmente la survie globale dans le traitement de maintenance du cancer de la vessie avancé, tandis que Keytruda® double la survie sans progression en première ligne chez une sous-population de patients atteints de cancer colorectal métastatique. Ces résultats ont été présentés le 31 mai lors de la conférence plénière du congrès annuel de l’ASCO.
Une première. En 2020, Covid-19 oblige, le congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology – qui rassemble régulièrement près de 40 000 personnes à Chicago – s’est tenu de façon entièrement virtuelle. Cette édition a été condensée sur trois jours au lieu de cinq, avec un nombre très restreint de présentations orales de résultats lors du programme scientifique. La sélection n’en a été que plus drastique, et donne un éclairage particulier aux élus de cette année. Lors de la conférence plénière qui s’est tenue le 31 mai, aucune nouvelle molécule n’a été mise en lumière, les organisateurs ayant choisi de valoriser les résultats obtenus dans de nouvelles indications par des molécules déjà commercialisées. C’est le cas de Bavencio® (avelumab), l’anti-PD-L1 de l’allemand Merck développé en partenariat avec Pfizer. Les nouveaux résultats de cette immunothérapie dans le cancer de la vessie ont eu l’honneur d’ouvrir cette session, où sont habituellement exposées les avancées les plus significatives.
Cancer de la vessie avancé : des besoins thérapeutiques encore non couverts
10e cancer le plus fréquent dans le monde (environ 550 000 nouveaux cas en 2018), le cancer de la vessie cause près de 200 000 décès par an, selon l’OMS. « Il n’y a pas eu d’innovation majeure sur ce type de tumeur durant des années », rappelle Claudine Sana, directrice des affaires médicales oncologie et immunothérapie de Merck France.
« En première ligne de traitement du cancer métastatique, le standard de soins est la chimiothérapie, et la plupart des patients y répond, a indiqué Thomas Powles (ci-contre), directeur du Barts Cancer Center de Londres, chargé de présenter l’étude à l’ASCO. Mais malheureusement la survie sans progression et la survie globale sont faibles du fait de l’apparition de résistances. »
Tout s’est accéléré depuis cinq ans avec l’arrivée des immunothérapies, dont Bavencio®, aujourd’hui utilisées en deuxième ligne, quand la maladie récidive. « Mais en maintenance en première ligne, il n’y a actuellement aucun traitement spécifique, hors soins de support », précise Claudine Sana.
« La plus longue survie globale jamais documentée »
C’est justement en tant que traitement de maintenance qu’a été évalué Bavencio®, dans le cadre de l’étude JAVELIN Bladder 100, promue par Pfizer. Elle a été conduite chez 700 patients ayant répondu à la chimiothérapie. Dans le bras avelumab plus soins de support, cette survie globale a augmenté de presque 50 % par rapport aux soins de support seuls, atteignant ainsi une médiane de 21,4 mois. « C’est la plus longue survie globale jamais documentée dans une étude de phase III dans le cancer urothélial métastatique, quelle que soit la ligne de traitement », a souligné Elizabeth R. Plimack, du Fox Chase Cancer Center (Philadelphie) en commentant l’étude. Un gain de survie obtenu malheureusement au prix d’un quasi doublement de la proportion de patients touchés par des effets indésirables sévères (grade 3). Ces effets sont toutefois jugés « gérables » par le Pr Powles, qui appelle à faire de Bavencio® le nouveau « traitement standard » dans cette indication.
Résultats encourageants de Keytruda® dans une indication de niche
Un autre inhibiteur de point de contrôle, Keytruda® (pembrolizumab), fleuron de Merck/MSD, a été mis en avant lors de la conférence plénière. Médicament de cette classe thérapeutique autorisé dans le plus grand nombre d’indications à ce jour, celui-ci pourrait en ajouter une nouvelle à la liste, suite aux résultats intermédiaires encourageants de l’étude KEYNOTE-177. Ceux-ci montrent un doublement de la survie sans progression et une forte réduction des effets indésirables (par rapport à la chimiothérapie ou à la chimio plus thérapie ciblée) en première ligne de traitement du cancer colorectal métastatique… mais chez une toute petite sous-population de patients. L’étude n’a porté en effet que sur les 5 % de patients atteints de ce type de cancer et dont la tumeur présente des altérations génétiques particulières, des instabilités micro-satellitaires.
Des biomarqueurs de résistance requis
Même s’il faudra attendre la fin de l’étude pour voir dévoilées les données de survie globale, Thierry André, chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital Saint-Antoine, qui présentait ces premiers résultats, estime d’ores et déjà que Keytruda® doit devenir le traitement de référence en première ligne chez ces patients. Mais pour Michal J. Overman, du centre de cancérologie MD Andersen de l’université du Texas, commentant l’étude lors de la plénière, il est nécessaire de disposer de biomarqueurs de résistance à l’immunothérapie, car chez ces patients résistants, la maladie progresse plus vite dans le bras pembrolizumab. Cependant, lui aussi estime que ces données intermédiaires sont de nature à « changer la pratique clinique ». Et en cancérologie, les préconisations émises à l’ASCO font souvent loi auprès des cliniciens.
Julie Wierzbicki