Recherche publique et privée : des rapprochements à consolider
À l’occasion de l’événement PharmaCité organisé par le Leem, chercheurs académiques et industriels ont souligné les apports des partenariats entre leurs deux univers. Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ambitionne d’accélérer le mouvement.
« Il y a un paradoxe entre la qualité de l’environnement scientifique en France et sa présence au 14e rang des vingt pays les plus innovants », a pointé Frédéric Collet, président du Leem, à l’occasion de l’événement PharmaCité du 22 octobre, sur le thème « Recherche publique privée, si loin, si proche ». Pour améliorer les capacités nationales, il a appelé à « faire tomber les silos et les idées reçues existant entre secteurs académique et industriel. Le temps presse », a-t-il martelé.
« Des molécules découvertes par des laboratoires académiques restent dans les tiroirs car elles ne sont pas développées dans des conditions standards réglementaires de mise sur le marché d’un médicament », a décrit le Pr Nicolas Levy, fondateur de la plateforme GIPTIS (Genetics Institute for patients, therapies, innovation & science) qui vise justement à associer, dès les phases amont, les métiers industriels « essentiels » comme la chimie, le développement ou les affaires règlementaires. « Nous devons faire en sorte que nos innovations soient plus proches de ce que désire un industriel : développabilité, « dérisquage », connaissance du milieu industriel… », ajoute le Dr Michel Perez, responsable du développement de l’innovation thérapeutique à l’Institut Pasteur et ancien de Pierre Fabre. L’Institut des maladies génétiques Imagine mise également sur la collaboration entre acteurs publics (Inserm, AP-HP, université de Paris), patients (via les associations) et industriels. Cette approche a débouché sur la création de la société Step Pharma et l’accueil d’un centre R&D du géant américain Alexion.
Vers une culture commune ?
« Les transferts technologiques ont considérablement progressé, avec des initiatives sur les échanges de personnels, les incitations fiscales très fortes sur les charges salariales, le remarquable dispositif CIFRE (Convention industrielle de formation par la recherche), les Labcom [laboratoires communs entre organismes de recherche publics et PME/ETI] », salue Franck Mouthon, président de France Biotech et CEO de Theranexus. « Depuis les années 2000, la France a instauré les instruments modernes de recherche des 13 premiers pays : indépendance de l’évaluation (HCERES), programmation d’appels à projets (ANR), Investissements d’avenir, loi Pacte », poursuit le Pr Stanislas Lyonnet, directeur de l’institut des maladies génétiques Imagine. Les établissements publics n’ont pas encore révisé leur propre feuille de route pour valoriser les politiques de sites. » « Nous manquons de temps et de passeurs de culture », témoigne de son côté le Dr Anne Galy, directrice de l’unité Inserm 951 au Généthon. Les axes de progression sont encore nombreux, pour la mise en place de carrières mixtes pour les chercheurs et de juste rémunération des innovations de rupture, majoritairement conçues par le public. « Quand le transfert s’effectue très tôt, l’industriel ne veut pas payer cher car il prend des risques. Aussi, la recherche académique doit en éliminer un certain nombre pour revendiquer une meilleure valeur », indique Michel Perez.
Valorisation de l’innovation
Côté industriels, le Leem a émis une série de propositions, en faveur notamment de la définition d’une feuille de route pour les cinq à dix prochaines années. Cela permettra de « piloter l’effort commun entre recherche publique et privée, de faire converger nos travaux », plaide Frédéric Collet. Des avancées sont prévues par la loi de programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2030, selon Philippe Berta, rapporteurs de plusieurs titres du texte. « La situation s’est beaucoup améliorée depuis les années 90 mais nous partons de très loin », signale le député Modem du Gard, qui liste « la reconnaissance du diplôme de thèse, le doublement des bourses CIFRE, la création d’un système comparable pour les chercheurs académiques (CIMEC), la participation des personnels de recherche aux résultats de l’entreprise… » « Il faut avant tout que la recherche publique se remette à la hauteur de ce qu’elle a été. L’enveloppe, avec le plan de relance, est de 32 milliards d’euros sur dix ans », calcule le député et généticien. La LPPR devrait être adoptée avant la fin 2020 pour une entrée en vigueur début 2021.
Muriel Pulicani