Biosimilaires : les patients prennent les devants
Trois associations de patients viennent de lancer un observatoire national des médicaments biosimilaires. Cette initiative participative doit notamment permettre d’améliorer la connaissance globale des traitements existants et des maladies concernées.
Treize ans après l’apparition du premier biosimilaire sur le territoire français, l’objet reste un mystère pour de nombreux patients. Faute d’une pédagogie adaptée, certains utilisateurs ignorent même qu’ils y ont recours. Pour améliorer la connaissance globale du traitement et de la maladie, trois associations d’usagers ont créé un observatoire national des médicaments biosimilaires, avec le soutien institutionnel du laboratoire Biogaran. Lancée mi-novembre, cette initiative doit notamment permettre de répondre aux besoins et aux attentes des malades chroniques. « Nous voulons être un relais d’informations et une force de propositions », détaille Laure Guéroult-Accolas, fondatrice de Patients en réseau. La démarche se veut exhaustive : « Nous collecterons progressivement des données issues des parcours de vie dans toutes les pathologies couvertes. » Elle se veut aussi participative. « Nous travaillerons en étroite collaboration avec les différents professionnels de santé concernés », indique Alain Olympie, président de l’AFA Crohn RCH France.
Un constat sans appel
Réalisée l’été dernier*, une première enquête thématique décrypte les principaux points de blocage. Le constat est sans appel : 50,7 % des participants ne connaissent pas les biosimilaires ; 44 % ne sont pas familiers avec le principe de la similarité ; 32 % ne savent même pas s’ils sont sous traitement. Une méconnaissance criante qui tiendrait en partie à l’arrivée récente de certains produits en oncologie, comme le souligne Laure Guéroult-Accolas. Autre problématique majeure, un patient sur quatre n’est pas informé en cas de changement de traitement à l’hôpital, malgré l’obligation légale. « Ce chiffre anormalement élevé illustre toute l’importance de la décision médicale partagée, en particulier sur des médicaments lourds comportant des effets indésirables notoires », relève Alain Olympie. « Les notions d’adhésion et de confiance sont fondamentales pour réduire l’effet nocebo », rappelle Françoise Alliot-Launois, vice-présidente de l’AFLAR. Selon les représentants associatifs, l’éducation thérapeutique pourrait contribuer à lever les doutes et les interrogations des patients. Elle faciliterait la compréhension du traitement et de ses enjeux.
Des attentes précises
Parmi les freins identifiés, la liaison ville/hôpital demeure perfectible. 40 % des répondants la jugent actuellement insatisfaisante. « Les patients chroniques sont trop souvent les coordinateurs de leur maladie et de leurs soins. Les professionnels de proximité doivent s’impliquer davantage dans la prise en charge », signale Françoise Alliot-Launois. L’enquête témoigne d’une attente forte vis-à-vis du pharmacien d’officine. 77 % des sondés le considèrent comme un acteur incontournable. 53 % estiment cependant qu’il doit encore approfondir ses connaissances sur les traitements et les pathologies correspondantes. Pour les patients, le passage au biosimilaire nécessite des informations claires et des conseils pratiques au comptoir. Trois axes de progression se détachent assez nettement : 40 % des personnes interrogées veulent connaître les impacts du produit sur leur vie courante ; 35 % souhaitent obtenir des précisions sur son lien avec le médicament biologique de référence, y compris en matière d’efficacité, de tolérance ou de sécurité ; 24 % attendent des recommandations d’utilisation, notamment quant à l’usage d’un nouveau dispositif médical associé.
Des outils pratiques
Au-delà du constat, les trois membres de l’observatoire national des médicaments biosimilaires comptent apporter des réponses concrètes, dans un esprit d’ouverture et de co-construction. « Nous voulons faire remonter les préoccupations des patients, en nous appuyant sur des témoignages et des enquêtes régulières auprès des différentes communautés associatives », note Alain Olympie. L’idée consiste également à croiser les regards avec les professionnels de santé. « Nous devrons apprendre à parler le même langage et trouver des solutions communes, en renforçant les échanges et en partageant les enseignements », insiste Laure Guéroult-Accolas. Dès l’année prochaine, plusieurs outils viendront nourrir la collaboration, à commencer par le déploiement d’un site internet et la construction d’une médiathèque intégralement dédiée aux biosimilaires et aux biothérapies (base documentaire, films pédagogiques, interviews…). « Il nous faudra explorer toutes dimensions reliées au traitement et suivre les évolutions dans le temps », affirme Françoise Alliot-Launois. Vingt ans plus tard, les leçons du générique semblent avoir été retenues.
Jonathan Icart
(*) Cette enquête flash a été réalisée en juillet et en août derniers, via les réseaux sociaux et Google Forms. Les résultats proposés ont été obtenus à partir des questionnaires remplis par 247 patients chroniques.