Covid-19 : toujours en attente de traitements spécifiques
Alors que le repositionnement de médicaments existants n’a pas donné les résultats attendus, la recherche d’un traitement spécifique contre le Covid-19 demeure un enjeu majeur pour la prise en charge de tous ceux qui ne bénéficieront pas du vaccin.
274 candidats vaccins, dont 59 en cours d’essais cliniques. Tel est l’état des lieux en date du 30 novembre de la course mondiale au vaccin, présenté par le Pr Florence Ader, infectiologue (Hôpital de La Croix Rousse, Lyon), lors du congrès de l’I4ID organisé les 9 et 10 décembre (*). La recherche de nouveaux traitements spécifiques semble, elle, susciter beaucoup moins d’enthousiasme. Et pourtant « on a besoin d’un pipeline thérapeutique », plaide-t-elle. Atteindre une large couverture vaccinale nécessitera des mois, il faudra compter avec une importante hésitation vaccinale… et aussi prendre en charge les patients chez qui l’efficacité des vaccins pourrait être plus faible (personnes âgées ou avec des comorbidités) ou qui n’y seront pas éligibles.
Echec des repositionnements
Dès le début de la pandémie, de grands essais internationaux ont été montés : Discovery (étude paneuropéenne coordonnée par le Pr Ader), Recovery (Royaume-Uni), ACTT (Etats-Unis) ou encore Solidarity (sous l’égide de l’OMS). L’objectif était alors de tenter de repositionner des molécules autorisées ou en développement ayant déjà démontré, au moins in vitro, des propriétés anti-virales dans d’autres indications. « Le bilan de cette première phase est très décevant, reconnaît Florence Ader : aucun des médicaments testés n’a démontré une réduction de la mortalité ».
Le Pr Florence Ader, infectiologue à l’Hôpital de la Croix-Rousse (Lyon) et coordinatrice de l’essai paneuropéen Discovery, s’est vu décerner le 8 décembre le Prix Recherche 2020 de l’Inserm.
Sur la base des résultats disponibles, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), en France, a recommandé dans son avis du 25 novembre de privilégier dans tous les cas les soins de support, et de ne pas prescrire d’hydroxychloroquine (associée ou non à l’azythromycine), de remdesivir (Veklury®, Gilead) hors essais cliniques randomisés, ou de tocilizumab (RoActemra®, Roche), hors essais clinique à l’exception de cas extrêmes d’aggravation incontrôlée, après discussion collégiale. Cet avis doit être complété ultérieurement avec d’autres produits.
Nouvelles données attendues sur le remdesivir
Le cas du remdesivir fait cependant débat : il est le seul à ce jour à avoir obtenu, chez les patients hospitalisés, une autorisation en bonne et due forme de la FDA (le 22 octobre), précédée d’une autorisation temporaire d’urgence (EUA) le 1er mai. La Commission européenne lui a également octroyé une AMM conditionnelle le 3 juillet, et en a commandé des dizaines de milliers de doses… avant que l’OMS, en se fondant sur une méta-analyse, ne se prononce contre son usage le 20 novembre dernier.
Mais les essais se poursuivent à travers le monde chez une sous-catégorie de patients, ceux à moindre risque et sous oxygénothérapie à faible débit, afin de trancher définitivement sur l’utilité du médicament. « Une forte pression est mise sur l’essai Discovery pour fournir des données additionnelles, en particulier de pharmacocinétique et de sécurité, des données qui jusqu’à présent n’ont pas été fournies par les grands essais internationaux », témoigne Florence Ader. A noter que le 19 novembre, la FDA a accordé une nouvelle EUA au remdesivir, mais cette fois en association avec le baricitinib (Olumniant®, Lilly), chez les patients adultes ou enfants hospitalisés nécessitant un apport en oxygène.
A ce jour, seules trois autres thérapies ont bénéficié d’une EUA américaine : le plasma de patients convalescents (le 23 août, renouvelée le 30 novembre), le bamlanivimab (LY-CoV555), de Lilly (le 9 novembre) et l’association casirivimab plus imdévimab de Regeneron (le 20 novembre). Les deux dernières s’adressent cette fois à des patients en début de maladie, mais à fort risque de progression vers une forme sévère.
Un anticorps isolé du sang d’un patient
Le bamlanivimab, anticorps monoclonal dirigé contre la protéine spike du Sars-CoV-2, a été isolé à partir du sang d’un des premiers patients guéris du Covid-19 aux Etats-Unis, grâce à une collaboration entre le centre de recherche vaccinale du NIAID, la société canadienne AbCellera et le laboratoire Lilly.
Participant au congrès I4ID, le Dr Kevin Heyries, co-fondateur et responsable du business développement d’AbCellera, a rapporté comment 5,8 millions de cellules sanguines avaient été criblées individuellement en seulement trois jours, pour en retenir 2 200 à partir desquelles ont été identifiés 440 anticorps… et conserver, après 23 jours et une batterie de tests, 24 « leads ». Au final, « il n’aura fallu que 90 jours entre l’identification d’un potentiel candidat médicament et le début des essais chez l’homme », se réjouit-il.
Les résultats intermédiaires de phase II (étude randomisée en double aveugle contre placebo) ont été publié fin octobre dans le NEJM. Ils indiquent notamment un risque d’hospitalisation réduit à 4 %, contre 15 % sous placebo, chez les 70 % de patients de l’essai présentant au moins un facteur de risque. Les autorités canadiennes ont également délivré une autorisation provisoire au bamlanivimab le 20 novembre. Et Lilly a conclu début décembre un contrat d’achat de plusieurs centaines de milliers de doses avec le gouvernement américain.
Julie Wierzbicki
(*) Le congrès international I4ID (Immunotherapies & Innovations for Infectious Diseases) était co-organisé par Bioaster, Lyonbiopôle et MabDesign.