Accès aux soins : la technologie au service de la coopération
L’exercice coordonné sera l’un des principaux leviers de la réforme de l’accès aux soins dans les territoires. Appuyée par la transformation numérique, cette transition systémique se heurte néanmoins à des freins techniques et culturels. Certains d’entre eux pourraient être prochainement levés.
La révolution sera collective ou ne sera pas. Services numériques à l’appui, le développement de l’exercice coordonné doit être l’un des piliers de la réforme de l’accès aux soins, impulsée au début du quinquennat. Trois ans plus tard, la problématique reste entière. Malgré l’émergence des structures pluriprofessionnelles, les déserts médicaux poursuivent leur progression. Lentement, mais sûrement. En ouverture du dernier colloque organisé par Pharmaceutiques, Philippe Vigier est venu témoigner des difficultés rencontrées dans sa circonscription. Député MoDem de l’Eure-et-Loir et membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale*, il livre un constat implacable. « Jamais aussi important, le nombre de médecins en exercice demeure toutefois insuffisant. Le temps médical diminue constamment au détriment des patients. » Un phénomène préoccupant qu’il attribue à deux causes majeures : l’augmentation continue de la population et la hausse croissante des besoins. Indispensables, les mesures techniques ne feront pas tout. Pour renforcer durablement la présence médicale dans les territoires, il réclame un véritable « choc d’attractivité ».
Le pari de l’exercice coordonné
Faute de mieux, la coopération interprofessionnelle est perçue comme une planche de salut. Dicté par la pénurie, ce choix répond également à des impératifs de qualité, d’efficacité et d’efficience. « Les médecins libéraux sont submergés par une demande grandissante. Tous les professionnels de proximité doivent mutualiser leurs compétences dans l’intérêt de la santé publique », estime Philippe Vigier. Selon lui, cette forme de coopération doit être impérativement structurée, valorisée, assouplie… et différenciée. « La délégation des tâches doit être déclinée dans un cadre référencé qui devra néanmoins pouvoir être modulé en fonction des spécificités de chaque territoire. » La prescription est limpide : moins de technocratie et plus d’autonomie. « Il faut faire davantage confiance aux acteurs du terrain pour orchestrer la réponse sanitaire ! » Vecteur de la mutation, la technologie devra notamment favoriser les passerelles entre les différents protagonistes. Elle devra aussi permettre d’optimiser la gestion des parcours complexes, dont la proportion tend à croître. « Il sera impossible de coordonner la prise en charge sans recourir aux usages digitaux », assure Dominique Pon, responsable stratégique de la transformation numérique en santé.
Les promesses du numérique
Inscrite sur la feuille de route gouvernementale, la création d’un espace numérique de santé devrait appuyer cette transition systémique. Un frein jugé rédhibitoire pourrait prochainement être levé. « L’Etat est en train d’imposer des référentiels et des services socles, compatibles avec tous les logiciels de santé. Ces règles et ces outils seront opposables. Les éditeurs de solutions devront obligatoirement s’y conformer », rappelle Dominique Pon. Les objectifs sont clairement affichés : faciliter l’expérience des usagers, sécuriser les échanges de données et fluidifier la transmission de l’information… tout au long des parcours de soins. Pour les soignants, c’est la garantie d’une interface centralisée, à la fois « intuitive, ergonomique et interopérable ». Pour les patients, c’est l’opportunité de prendre en main leur propre santé dans un environnement « éthique, humaniste et citoyen ». En gestation, ce nouvel écosystème devrait être opérationnel en janvier prochain. Une dernière étape cruciale devra cependant être franchie pour concrétiser cette promesse technologique. Concernés et impliqués, les futurs utilisateurs devront relever les défis de l’adhésion, de l’engagement et de la maturité.
Jonathan Icart
(*) Il y a trois ans, Philippe Vigier avait été le rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire qui comportait notamment vingt-cinq propositions concrètes pour lutter contre les déserts médicaux à court, moyen et long terme.