Vaccination : le point de bascule ?
Critiquée pour sa stratégie vaccinale, la Commission européenne se dit confiante. Elle mise notamment sur une accélération des livraisons dans les trois prochains mois. Elle entend également mieux contrôler les exportations pour répondre efficacement aux besoins de ses ressortissants.
Submergée par une troisième vague épidémique, l’Europe vacille. A des degrés divers, les 27 Etats membres manquent de vaccins, seul véritable rempart pour circonscrire la propagation du virus. Blâmé pour ses promesses non tenues, un groupe pharmaceutique est ouvertement pointé du doigt. « AstraZeneca n’a pas respecté ses obligations contractuelles, malgré les avances de frais consenties pour adapter et renforcer son appareil productif, en amont de la phase d’autorisation ! Tous les pays qui ont privilégié ce fabricant pour des raisons économiques et logistiques ont été lésés », accuse Pierre Delsaux, directeur général adjoint à la DG Santé de la Commission européenne. Au premier trimestre, un quart de la commande a été honoré, soit 30 millions de doses. « 45 millions de personnes n’ont donc pas pu être doublement vaccinées », insiste-t-il. Un privilège pour l’instant réservé à 18 millions d’habitants du Vieux Continent. A la faveur des contrats signés avec les six producteurs en lice*, la CE dispose pourtant d’un stock potentiel de 2,6 milliards de doses.
Des objectifs ambitieux
Au cours des trois prochains mois, la cadence devrait néanmoins s’intensifier, en dépit des nouveaux reports de livraison annoncés par le laboratoire anglo-suédois ; un tiers des volumes prévus sera finalement délivré. Tous fournisseurs confondus, la Commission européenne recevra 360 millions de doses supplémentaires**. L’arrivée imminente du vaccin de Johnson & Johnson devrait lui permettre de franchir un cap significatif. Premier bémol : trois semaines de retard et cinq millions de doses en moins… par rapport aux prévisions initiales. Les premiers lots ne devraient pas être libérés avant la deuxième quinzaine du mois d’avril ; 55 millions de doses sont attendues d’ici au 30 juin***. Avantage non négligeable : une seule injection suffira à déclencher l’immunité. Qu’importe les difficultés constatées, les objectifs restent élevés. « 70 % des Européens devraient être vaccinés début juillet », affirme Pierre Delsaux, non sans reporter une partie de la responsabilité sur les différents Etats membres, et leur aptitude à « organiser efficacement la réponse vaccinale dans leur propre territoire ».
La CE consolide ses positions
Nonobstant la pénurie et l’urgence, le vaccin Spoutnik V ne représente pas « une solution à court terme ». En cours d’examen, son éventuelle approbation par l’EMA ne changerait pas radicalement la donne. « Le laboratoire russe ne pourrait probablement pas fournir rapidement des quantités importantes. » A l’instar de l’Autriche, certaines nations pourraient y recourir prochainement, mais… « Elles ne seront pas couvertes par le protocole communautaire. Leur responsabilité sera directement engagée en cas d’incident », rappelle Pierre Delsaux. Dans l’immédiat, la CE cherche à augmenter les capacités de production continentales pour « gagner en autonomie » et « maîtriser davantage les délais » ; 53 usines participent actuellement à tout ou partie du processus de fabrication, contre une quinzaine seulement en décembre dernier. Elle compte également mieux contrôler les exportations pour « éviter tout risque d’échappement préjudiciable aux citoyens européens ». Depuis le début de la campagne vaccinale, 77 millions de doses ont quitté l’Europe à destination de 33 pays.
Jonathan Icart
(*) Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca/Oxford, Johnson & Johnson, CureVac et Sanofi.
(**) Pfizer/BioNTech (200 millions de doses), AstraZeneca/Oxford (70 millions), Johnson & Johnson (55 millions) et Moderna (35 millions).
(***) Selon les dernières déclarations du ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, 550 000 doses du vaccin J&J seront livrées sur le territoire français entre le 19 et le 30 avril ; 8,1 millions le seront d’ici au 30 juin.
NB : ces propos ont été recueillis à l’occasion d’un point presse organisé par la Représentation en France de la Commission européenne.