Yves Buisson (Académie de Médecine) : « L’immunité collective doit rester la priorité »
Dans un communiqué publié le 17 août 2021, l’Académie nationale de Médecine émet des réserves sur la future campagne de « rappel vaccinal » contre le Covid-19, annoncée début août par Emmanuel Macron, qui devrait concerner à partir de mi-septembre les personnes les plus âgées et à risque de forme grave. Le Pr Yves Buisson, président de la cellule Covid-19 de l’Académie, explique aux lecteurs de Pharmaceutiques.com les raisons de ce positionnement.
Etes-vous défavorable au programme de rappel vaccinal anti-Covid-19 que souhaite mettre en place le président de la République ?
Pr Yves Buisson, président de la cellule « Covid-19 » de l’Académie nationale de médecine : Nous ne sommes pas contre, mais cette nouvelle campagne ne doit pas prendre le pas sur la primo-vaccination et la recherche de l’immunité collective, car c’est bien là qu’est l’urgence. La vaccination n’empêche pas d’être infecté mais évite les formes graves et surtout réduit très fortement le pouvoir de transmission du virus. Attention toutefois à ne pas confondre l’administration d’une troisième dose, proposée depuis juin aux personnes immunodéprimées chez qui le schéma à deux doses ne suffit pas, et ce « rappel » destiné à des personnes pleinement vaccinées mais chez lesquelles on s’attend à voir diminuer l’immunité avec le temps. Si la France a des doses en trop, avant de se lancer dans un programme de rappel généralisé, mieux vaut les donner aux pays qui en manquent ! L’Académie a toujours soutenu la vaccination universelle, seul moyen de nous garantir contre l’émergence de variants.
Que sait-on aujourd’hui de la durée d’immunité active post-vaccination ?
On manque de données solides sur cette cinétique immunitaire ! L’immunité humorale peut être assez aisément mesurée par le dosage des anticorps – on parle d’une durée de six à huit mois, mais qui peut varier en fonction de l’âge. En revanche on est absolument incapable de dire à ce stade combien de temps se maintient l’immunité cellulaire acquise grâce au vaccin, dont on sait qu’elle confère une très bonne protection, peut-être même meilleure que celle obtenue suite à une infection. Des études sont en cours…
Pr Yves Buisson, président de la cellule « Covid-19 » de l’Académie nationale de médecine :
« Deux à trois millions de personnes fragiles n’ont pas encore été vaccinées du tout : les efforts pour les atteindre ne sont pas suffisants. »
©DR
N’y a-t-il pas moyen de concilier le renforcement de la primo-vaccination et cette campagne de rappel pour les plus fragiles ?
Nous estimons qu’il y a deux à trois millions de personnes fragiles qui n’ont pas encore été vaccinées du tout : les efforts pour les atteindre ne sont pas suffisants. Nous suggérons d’associer dans un même programme la primo-vaccination de ce public et le rappel vaccinal s’adressant au même type de population. Nous attendons aussi beaucoup des vaccins anti-Covid-19 de deuxième génération, comme ceux de Sanofi et de Novavax, à base de protéines recombinantes, qui vont induire une immunité différente et complémentaire. Cela pourrait relancer l’immunité acquise après une primo-vaccination, de façon plus intense et plus prolongée : c’est en tout cas l’espoir de la communauté scientifique.
Peut-on envisager de combiner un rappel vaccinal contre le Covid à la campagne de vaccination antigrippale de l’hiver 2021-2022, qui vise aussi les personnes âgées et fragiles ?
Cette approche serait très pertinente au plan de la communication, et de plus il est toujours plus simple et plus sûr de réaliser deux vaccinations différentes en même temps, que de les dissocier de quelques semaines. Scientifiquement, je ne vois pas de raison pour que l’association des deux vaccins pose problème : cela demande toutefois à être contrôlé par des études chez des volontaires, qui peuvent être mises en place très rapidement.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki