Données de santé : vers une vision partagée
Les participants de la troisième table ronde de l’édition 2021 de PharmaHealthTech, co-organisée par Pharmaceutiques et TechToMed le 16 septembre, montrent l’impérieuse nécessité de s’entendre entre industriels, institutions et start-ups pour construire des solutions globales de santé.
« C’est un moment assez inattendu en France car pour une fois la réglementation est passée du côté du soutien au développement des usages pour des traitements algorithmiques à des fins de recherche ou de mise au point de diagnostic, se félicite David Gruson, directeur Programme Santé du groupe Jouve et fondateur d’ETHIK-IA. Le cadre de la nouvelle loi de bioéthique a introduit deux nouvelles notions : celle de l’information du patient sur le recours à l’IA et celle du principe de garantie humaine des traitements. Cela permet une pratique plus ouverte et c’est une bonne nouvelle. » Au niveau européen, la Commission a proposé en avril dernier de nouvelles règles et actions – via un règlement qui entrera en vigueur dans les prochains mois – visant à faire de l’Europe le pôle mondial d‘une IA digne de confiance. « Sécuriser et simplifier l’exploitation des données (différentes cohortes, SNDS, open data, expérience patient) est une vraie demande de tous, confirme Véronique Lacam-Denoel, présidente de Proxicare. Du côté des producteurs de données, il existe des inquiétudes quant à la finalité qui en est faite. Du côté des industriels ou des acteurs de la confiance numérique, le sujet est celui de leur qualité. »
La donnée appartient au patient
Anne-Caroline Deletoille, responsable de la plateforme Data Management à l’Institut Pasteur, rappelle que la donnée appartient au patient. « Le consentement recueilli ouvre différentes possibilités de réutilisation des données, indique-t-elle. Le challenge pour la collecte à venir est celui des contraintes règlementaires. Il faut sensibiliser les patients pour qu’à l’avenir les données soient plus faciles à partager. » David Gruson s’interroge à titre personnel : « Pourrait-on envisager la mise en place d’un consentement présumé à condition d’utilisation à des fins d’intérêt général, comme cela s’applique pour le prélèvement d’organes ? » Emeric Lemaire, co-fondateur d’Arkhn, confirme que les données sont trop peu partagées à ce jour. « Nous accompagnons les établissements de santé dans la gestion et la valorisation de leurs données pour les rendre partageables et interopérables au bénéfice de tout l’écosystème. » Christian Frisch, directeur Data & AI chez IQVIA, témoigne de l’utilisation des données externes à des fins d’études médico-économiques, de fardeau de la maladie, d’accès précoce, de parcours patients… mais aussi dans le cadre de collaborations de recherche.
Le « federated learning« , une pratique d’avenir
« Fournir des résultats agrégés et anonymisés, sans sortir les données, est une pratique éthique et efficace, décrit Emeric Lemaire pour pallier le problème grandissant de confidentialité des données utilisateurs. Si le cadre règlementaire peut permettre d’améliorer la confiance, la transparence des pratiques via l’open source sécurise également. » Christian Frisch confirme que le « federated learning », méthode de machine learning dans laquelle l’algorithme est entraîné directement sur la machine des utilisateurs d’une appli, est « respectueux des entrepôts de données » et permet de laisser la donnée « au plus près du patient ». Il propose par ailleurs de générer des data « synthétiques » à partir de données patients pour générer de « faux » entrepôts avec des caractéristiques similaires et des informations qui seront beaucoup moins sensibles. « Nous pourrons alors avoir de l’open data Patient, exploitable pour un certain nombre d’applications », se félicite-il.
Dans la logique de laisser à chacun l’opportunité d’être acteur de sa santé, Véronique Lacam-Denoel se félicite de l’expérimentation dans trois régions de Mon espace santé, la nouvelle version du DMP. « C’est extrêmement prometteur ».
Juliette Badina