e-santé : les clefs de l’accès au marché
Le régulateur et le payeur conditionneront en grande partie l’avenir du modèle d’affaires français de la e-santé. Les industriels et les start-up attendent des dispositifs simples et lisibles pour favoriser le développement et la diffusion des thérapies digitales innovantes.
Les experts réunis par Pharmaceutiques et TechToMed sont catégoriques : la e-santé bénéficie aujourd’hui d’un crédit inédit, dont la collectivité devra tirer profit. « La crise sanitaire a révélé le potentiel des technologies numériques et l’intérêt des données personnelles », confirme Laure Millet, chargée d’études au sein du programme santé de l’Institut Montaigne. Sous la pression de la gravité et de l’urgence, l’assouplissement du cadre réglementaire a globalement permis de libérer les énergies. « Nous avons gagné en simplicité, en rapidité et en efficacité avec une réussite certaine », estime Christian Deleuze, président de Medicen Paris Region et directeur général de Sanofi Genzyme France. Il évoque notamment les avancées observées dans le domaine de la recherche clinique : « Tout a été rendu possible grâce à un partage moins contraignant des ressources disponibles ! » Pour concrétiser les promesses entrevues ces derniers mois, les pouvoirs publics devront impérativement promouvoir la diffusion des innovations digitales dans le système de soins. « Il convient désormais de rapprocher les besoins et les usages pour favoriser leur appropriation, leur enrichissement et leur valorisation », recommande-t-il.
Une régulation plus dynamique
Pour atteindre le but ultime, les autorités compétentes devront d’abord trier et labelliser les dispositifs les plus pertinents. La doctrine de l’évaluation devra également être revue à la lumière du progrès technologique. Evolutive par essence, la valeur créée devra être mieux appréhendée. « La méthodologie traditionnelle est inadaptée à la mesure effective du bénéfice apporté. Il faudra développer la culture du risque sous peine de brider l’innovation », affirme Myriam Oukkal, directrice du secteur « santé et life science » chez Qwanza et présidente du Conseil de la e-santé. Plus appropriée, l’approche conditionnelle devra être privilégiée, y compris dans le champ de la tarification. « Le prix définitif pourrait être fixé à l’issue d’une période probatoire. Il serait déterminé en fonction des preuves d’efficience récoltées en vie réelle », explique Laure Millet. Cet idéal pragmatique pourrait bientôt devenir la norme. « La stratégie d’accélération numérique déployée par le gouvernement prévoit un mécanisme d’accès anticipé au marché », rappelle Hela Ghariani, directrice de projets à la Délégation du numérique en santé. Selon elle, la disposition devrait même figurer dans la LFSS 2022. En attendant, Moovcare® demeure la seule thérapie digitale remboursée par l’assurance maladie.
Un accompagnement personnalisé
Parmi d’autres enjeux, le continuum allant de l’idéation à la commercialisation devra être fluidifié. Pour satisfaire aux nombreuses exigences imposées, les entrepreneurs réclament un accompagnement plus personnalisé. Lancé il y a quatorze mois, G_NIUS doit y contribuer. « Ce guichet national doit faciliter la compréhension de l’écosystème et l’identification des bons interlocuteurs », souligne Hela Ghariani. Le défi consistera notamment à renforcer les échanges dès les premiers stades du projet. « La co-construction de la stratégie de développement sera l’une des clefs du succès », prévient Myriam Oukkal. Etape critique sinon rédhibitoire, la phase d’amorçage marque généralement le début de la course à la croissance. Les opérateurs spécialisés ont des attentes très précises en la matière. « Le modèle économique de la solution proposée est un critère décisif dans nos choix d’investissement », signale Baudouin Hue, partner chez Karista, une société de capital-risque indépendante. Il dévoile trois caractéristiques déterminantes dans le processus de décision : l’apport clinique pour le patient, l’impact généré sur la qualité des soins et la dépense assumée par le payeur. Soigner mieux à moindre à coût, tel serait l’objectif recherché par les partenaires financiers…
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis à l’occasion de la dernière table ronde de Pharma HealthTech 2021.