Convention pharmaceutique : l’assurance maladie dévoile sa feuille de route
Pharmaciens d’officine et pouvoirs publics négocient actuellement une nouvelle convention pharmaceutique. Particulièrement attendue par la profession, elle devra fixer un cap ambitieux pour les cinq prochaines années, notamment sur le plan économique. Retour sur les principaux enjeux de cette discussion tripartite.
Le coup d’envoi a été donné mercredi dernier. A la demande de la FSPF, les syndicats professionnels et les pouvoirs publics vont négocier une nouvelle convention pharmaceutique. Une première depuis près de dix ans, la précédente ayant été reconduite tacitement. « Le dialogue avec les pharmaciens d’officine n’a jamais été rompu. Pas moins de vingt-deux avenants ont été signés sur la période », rappelle Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam. Une fois n’est pas coutume, l’assurance maladie s’est livrée à un exercice de démocratie participative. Elle a notamment consulté l’instance ordinale, en amont de la discussion. Elle a également conduit une enquête sectorielle et des entretiens individualisés avec le concours de l’Institut BVA. Elle a surtout ouvert la concertation à toute la profession par le biais d’un site internet dédié qui fait office de boîtes à idées. « La démarche est totalement transparente. Les contributions recueillies seront intégralement publiées », souligne Thomas Fatôme. Autre caractéristique notable : l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie a obtenu un mandat de négociation. Les partenaires conventionnels disposent désormais d’un délai juridique de six mois pour parvenir à un accord. Le cas échéant, il pourrait être prolongé d’autant.
Des pistes concrètes
A l’issue de leur première réunion de travail, Thomas Fatôme a détaillé les six grands axes entérinés. Parmi d’autres enjeux, la place du pharmacien dans les soins de premier recours devrait être renforcée. « Le défi consistera à faciliter son intégration dans les dispositifs de coordination pour fluidifier la liaison entre la ville et l’hôpital, notamment en sortie d’hospitalisation. » Son engagement dans le bon usage des produits de santé devrait aussi être consolidé. La dispensation à l’unité, la détection des infections urinaires et l’accompagnement des patients diabétiques font partie des pistes envisagées. « Des actions concrètes seront initiées pour améliorer l’observance thérapeutique et encadrer la délivrance des stupéfiants », insiste-t-il. L’assurance maladie souhaite par ailleurs promouvoir les usages digitaux des pharmaciens. L’approche incitative sera privilégiée pour accompagner la généralisation programmée de la e-prescription et de la carte Vitale dématérialisée. Favorisés par la mise en service imminente de l’espace numérique de santé, l’utilisation des logiciels d’aide à la dispensation certifiés, le recours à la messagerie sécurisée et l’alimentation du dossier médical partagé seront valorisés. Grande nouveauté : la future convention comportera un volet écologique. « C’est un sujet que nous aborderons plus systématiquement avec les professionnels de santé », précise Thomas Fatôme. Dans le cas présent, un accent particulier sera porté sur la production et la gestion des déchets dans les officines, l’assainissement du circuit des livraisons de médicaments ou encore la sensibilisation des patients à la santé environnementale et à la réduction des expositions domestiques aux produits toxiques.
Deux priorités stratégiques
La négociation sera inévitablement frappée du sceau de la pandémie. Fragilisé par la diminution du nombre de boîtes vendues et l’impossibilité technique d’exercer certaines missions, le réseau pharmaceutique accuse le coup. Les syndicats réclament des contreparties financières pour absorber les pertes subies. « Le ralentissement de l’activité a été partiellement compensé par la réalisation des tests antigéniques, la distribution des masques de protection et la vaccination anti-Covid », tempère Thomas Fatôme. Selon lui, l’évolution du mode de rémunération devra tenir compte de ce « double contexte ». Elle devrait probablement s’inscrire dans une « trajectoire pluriannuelle ». Deux objectifs majeurs ont néanmoins été fixés pour stabiliser et développer l’économie officinale : désensibiliser les revenus du pharmacien de l’effet prix/volume des médicaments délivrés et définir une nouvelle liste des conditionnements trimestriels, dont la marge spécifique a été récemment supprimée. La ROSP sera également reconfigurée pour accélérer la diffusion des biosimilaires et des génériques. Autre chantier fondamental, les prérogatives sanitaires des pharmaciens devraient être significativement élargies dans les domaines de la prévention, du dépistage et de la vaccination. Ils pourraient notamment être appelés à relayer plus fréquemment des messages clefs au comptoir. Les femmes enceintes seraient plus particulièrement ciblées. A la fois dense et ambitieuse, la feuille de route présentée est soumise à un calendrier serré. Le dossier devra être idéalement bouclé avant l’élection présidentielle. « Tous les thèmes ne seront pas forcément traités dans cette convention. Certains d’entre eux pourraient l’être ultérieurement… sous la forme d’avenants », prévient Thomas Fatôme. Un premier point d’étape sera effectué le 17 décembre prochain.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis à l’occasion d’un point presse organisé mercredi dernier par la Cnam.