REMEDI4ALL veut faciliter le repositionnement de médicaments
Officiellement lancé le 1er septembre dernier, le projet REMEDI4ALL vise à créer une infrastructure de soutien aux projets de repositionnement de médicaments dans de nouvelles indications, portés par les chercheurs et cliniciens académiques. Financé pour cinq ans par la Commission européenne à hauteur de 23 M€ (programme Horizon Europe), il implique 24 organisations européennes et donne un rôle prépondérant aux représentants de patients. Virginie Hivert, en charge de la supervision du projet pour EURORDIS (fédération européenne des associations de patients dans les maladies rares) nous en présente les objectifs et enjeux.
Quels sont les freins à la mise en œuvre du repositionnement de médicaments ?
Virgine Hivert, directrice du développement thérapeutique chez EURORDIS : Avec le repositionnement de médicaments, l’objectif est de maximiser les chances de mise à disposition de traitements à des patients sans solution thérapeutique satisfaisante. Cette stratégie se fonde sur des connaissances déjà acquises et des données de sécurité, cliniques, et même parfois d’utilisation en vie réelle, déjà générées. Mais ce bagage antérieur ne permet pas d’aller pour autant directement en phase III dans une nouvelle indication ! Le développement reste complexe. Même s’il est a priori moins coûteux que pour une nouvelle entité moléculaire, et si certains médicaments repositionnés obtiennent des prix parfois bien plus élevés que dans leurs indications d’origine, les développeurs privés ne jugent pas forcément cette option assez porteuse. Les cliniciens qui découvrent le potentiel d’un produit dans une nouvelle indication n’ont, eux, pas toujours les moyens de conduire ces développements. On a souvent tendance à opposer l’innovation au repositionnement, or cette dernière approche peut être porteuse d’innovation, par exemple dans la recherche d’un nouveau mécanisme d’action. EURORDIS s’intéresse à ce sujet depuis plusieurs années. Ses travaux et ceux de l’IRDIRC (1) ont certainement contribué à l’ouverture par la DG Recherche de la Commission européenne d’un appel à projets dans le cadre d’Horizon Europe, pour développer une plateforme destinée à faciliter cette approche. REMEDI4ALL est l’un des deux projets sélectionnés (2).
Comment REMEDI4ALL se propose-t-il d’y remédier ?
La plateforme qui sera mise en place par REMEDI4ALL a vocation à incorporer des projets de recherche portés par des équipes académiques ou des cliniciens qui ne sont pas outillés pour mener à bien des projets de développement thérapeutiques complets. Ils pourront rejoindre la plateforme à différents stades de leur développement, pour être accompagnés sur une ou plusieurs étapes. Les 24 partenaires du projet – dont le laboratoire pharmaceutique italien Dompé – apporteront chacun leurs compétences propres sur un aspect de la chaîne de valeur : réglementation, études précliniques, accès au marché… L’un des partenaires français, le réseau européen d’infrastructures de recherche clinique ECRIN, coordonnera par exemple un groupe de travail sur le développement clinique. L’ambition est qu’à terme cette infrastructure ressemble à une entreprise publique proposant une plateforme de services, avec un modèle de financement pérenne sur lequel nous devons encore travailler.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Dès la préparation de la réponse à l’appel à projets, quatre démonstrateurs ont été sélectionnés dans des aires thérapeutiques distinctes : le COVID-19, le cancer du pancréas, une maladie rare, l’ostéogenèse imparfaite, et une maladie ultra-rare, la déficience multiple en sulfatase. Mais sans attendre les résultats définitifs de ces démonstrateurs, nous espérons accueillir de nouveaux projets dès la deuxième année d’existence du consortium : un appel à projets sera lancé à cette fin, d’abord aux cliniciens et aux chercheurs académiques. La question de l’ouverture potentielle à des start-up n’a pas encore été tranchée. Parallèlement, un « Call for funders » a aussi été lancé, pour construire un réseau pérenne d’investisseurs.
Comment les patients interviendront-ils dans la sélection et la mise en œuvre des projets sélectionnés ?
La philosophie de REMEDI4ALL est d’adresser les besoins des patients avec les patients, qui auront un véritable rôle de co-création. Ils pourront être impliqués dans la sélection et la priorisation des projets, le choix des critères d’inclusion ou d’exclusion dans les essais, des objectifs primaires ou secondaires… Chaque démonstrateur aura une façon différente d’associer les patients, notamment en fonction de la taille de la population ciblée par la nouvelle indication. Pour chaque projet nous voulons former une véritable équipe associant les scientifiques et des patients « champions » – voire, pour le cas des maladies ultra-rares, un seul patient expert. Mais à chaque étape les décisions seront prises en concertation. En tant que fédération d’associations de patients, EURORDIS interviendra plus spécifiquement sur cette collaboration, ainsi que sur un programme de formations, qui est encore à construire.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) International Rare Diseases Research Consortium (IRDIRC), lancé en 2011 à l’initiative de la Commission européenne et des NIH.
(2) L’autre projet soutenu par Horizon Europe est REPO4EU, développant une stratégie mécanistique recourant à l’IA.