Microbiote : Bien en parler au grand public
Objet de nombreux ouvrages de vulgarisation, mais aussi d’idées reçues et de désinformation, le microbiote devient un thème d’échanges entre patients et médecins. Les intervenants de la 2e table ronde du colloque de Pharmaceutiques sont venus répondre à de nombreuses interrogations : comment bien en parler aux patients ? Quelles informations diffuser ? Quelles promesses éviter ?
Le microbiote intestinal – le plus connu du grand public – est souvent considéré comme le « deuxième cerveau » et comme un organe à part entière. Julien Scanzi, hépato-gastro-entérologue au CHU Estaing de Clermont-Ferrand et au CH de Thiers, est venu éclaircir le paysage lors du colloque « Microbiote, un nouveau continent à explorer », organisé le 16 février par Pharmaceutiques*. « L’intestin est le deuxième organe à avoir le plus de neurones, et il entretient des interactions permanentes avec le cerveau, et inversement, précise le docteur. Les bactéries intestinales de notre microbiote y joue un rôle essentiel via les sécrétions de certains messagers chimiques et la régulation de petits métabolites », explique celui qui est aussi auteur de l’ouvrage « Incroyable microbiote ». « Le microbiote est maintenant davantage décrit par sa relation de symbiose avec le corps », complète Béatrice de Montera, biologiste et philosophe, maître de conférences à l’Université Catholique de Lyon. Chacun s’accorde à dire que les connaissances sur le microbiote sont un outil majeur pour développer une médecine prédictive et personnalisée.
Un vrai sujet pour les patients
Du côté des patients, il s’agit d’un sujet d’importance avec des implications dans de nombreuses pathologies. « Il existe un réel engouement, voire une sorte de fantasme, mais il faut rappeler que les applications au niveau du soin ne sont pas encore là, tempère Anne Buisson, directrice de l’AFA Crohn RCH France. Il est indispensable de faire la différence entre la recherche et les soins et ne pas faire de sur-promesse. » La liste des maladies qui pourraient être améliorées grâce aux connaissances sur le microbiote s’agrandit chaque jour, mais « la recherche prend des années à aboutir à de nouveaux médicaments et de nouvelles façons de traiter », consent Julien Scanzi. Les professionnels de santé eux-mêmes ne savent d’ailleurs pas très bien ce qu’est le microbiote. « Parce que nous ne disposons que de peu de formation sur les bancs de la faculté et que les publications – nombreuses – n’arrivent pas forcément jusqu’à nous », déplore Michèle Penka, médecin généraliste à Paris. Elle voit pourtant beaucoup de raisons de s’intéresser au microbiote, autant qu’à d’autres facteurs de l’environnement et du mode de vie du patient.
Entre espoirs et fake-news
Pour Anne Buisson, il y a, à ce jour, beaucoup trop de fake-news qui circulent sur les réseaux sociaux, et « particulièrement sur des régimes alimentaires qui participeraient à la bonne santé du microbiote, alors qu’il n’y a pas encore de démonstration clinique ». Elle alerte sur les promesses faites par des sociétés d’analyse du microbiote, dont les tests, onéreux, ne peuvent pas être exploités pour l’instant. Certaines industries alimentaires vantent l’impact de leurs produits sur la bonne santé du microbiote du consommateur. « Si c’est une nécessité que l’industrie alimentaire s’y intéresse, cela ne doit pas être une stratégie marketing », prévient Michèle Penka. Les corrélations entre le microbiote intestinal et l’état de santé sont certes de plus en plus nombreuses, mais il est difficile d’établir un lien de causalité. Dans dix ans, cela sera une réalité, Julien Scanzi en est convaincu : « Une analyse standardisée du microbiote sera un outil de prise en charge, au même titre qu’une analyse de sang ou un scanner ». « Le microbiote est un partenaire de vie, parmi d’autres éléments de notre environnement, qui module notre biologie et permet une adaptation régulière, conclu Béatrice de Montera. Ces différents leviers d’actions laissent beaucoup d’espoirs. »
Juliette Badina
*Avec le soutien de Biocodex et en partenariat avec Medicen et Lyonbiopôle