Recherche clinique : Transformer l’essai
L’accélération est possible en recherche clinique, comme en a témoigné la mise au point dans des délais records des vaccins contre le Covid-19. Comment capitaliser sur ce succès ? La table ronde des Assises de l’avenir a permis de commenter le déploiement de nouvelles modalités d’essais et l’assouplissement de la réglementation.
« La France se positionne à la 4e place des essais cliniques industriels au niveau européen, derrière l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne », selon les données de l’enquête Attractivité de l’Afcros présentées par Denis Comet, animateur du groupe Attractivité. Mais seulement à la 12e place sur l’attractivité auprès des patients. « Les autorités espagnoles ont donné un véritable coup d’accélérateur aux essais cliniques il y a quelques années et ont réussi à lever un certain nombre de freins en peu de temps, indique Charlotte Bazie-Achcar, Principal Analytics Solutions Consulting & Services chez IQVIA, en ouverture de la deuxième table ronde des Assises de l’avenir de Pharmaceutiques organisées le 20 mars à PariSanté Campus. Le grand public y est très sensibilisé par de larges campagnes d’information, les associations de patients sont engagées, comme l’ensemble des parties prenantes avec une vision commune, et le registre national est très bien réalisé. » Il faut 154 jours en moyenne pour lancer un essai en Espagne, soit un tiers de moins qu’en France où les délais de signature avec les centres investigateurs sont très longs. Luca Mollo, directeur Médical Pfizer France, se veut optimiste et rappelle que la convention unique est un atout majeur de la France dans le domaine. « Toutefois, elle pose encore des problèmes, notamment à cause de l’annexe III qui liste les modalités de calcul des surcoûts et qui est longue à négocier ». Le leader pharmaceutique, qui dispose d’un pipeline de 110 molécules en phases cliniques de I à III, ambitionne de doubler le nombre de patients français inclus d’ici 2026. « C’est un moyen de donner un accès précoce à l’innovation aux patients », se félicite-il.
Des bonnes pratiques
La France peut-elle s’inspirer des bonnes pratiques de ses voisins européens ? Charlotte Bazie-Achcar met en avant comme véritable atout du système de santé espagnol, le soutien très fort qui y est fait à la recherche clinique. « 70 % des surcoûts hospitaliers payés par les sponsors sont réinvestis dans la recherche, applaudit-elle. Les hôpitaux disposent d’unités public-privé et de ressources humaines dédiées, avec des investigateurs extrêmement investis. » Les intervenants de cette deuxième table ronde pointent le manque de compétitivité des centres français, dont une poignée conduit la majorité des études réalisées sur le territoire. Pierre Bentata, économiste, auteur de travaux sur les essais cliniques en France, relève pourtant les bénéfices que pourraient en tirer les hôpitaux : « Il existe une vraie corrélation entre le lieu de l’étude et celui où le médicament sera accessible en premier ». Des bénéfices qui s’étendent à toute la chaîne : « La recherche clinique redonne du sens à l’hôpital et est un vecteur de management efficace, estime-t-il. Pour le système de santé, elle est un levier d’efficience, le laboratoire venant fournir le médicament et se substituer aux pouvoirs publics en termes de coût. »
Des autorités plus ouvertes à l’innovation
Charlotte Bazie-Achcar indique également que les comités d’éthique espagnols peuvent être sélectionnés par les sponsors en fonction de leur expertise par aires thérapeutiques, qu’ils sont formés et ouverts à l’innovation (données de vie réelle, bras synthétique…) et rendent les avis très rapidement. « Des indicateurs sont publiés chaque année sur l’efficacité de ces comités », précise-t-elle. « Si en France de nombreuses initiatives ont été rendues possibles durant la pandémie de Covid-19 et les confinements, telles que le e-consentement, la livraison de médicaments à domicile, le suivi et le monitoring à distance…, elles n’ont pas été reconduites », regrette Luca Mollo, espérant que le groupe de travail de l’Afcros sur les essais décentralisés permettra de faire avancer les choses. Denis Comet y voit une vraie opportunité de maintenir un patient dans une étude par la dématérialisation et la décentralisation de certaines étapes, et ainsi un moyen d’adresser une population plus large et d’être plus compétitif. La CNRIPH (Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine) a mis en place un groupe de travail afin de formuler des recommandations en ce sens et faire évoluer le droit français en déclinant les recommandations émises fin 2022 par la Commission européenne, l’EMA et le réseau des directeurs d’agences du médicament nationales (Heads of Medicines Agencies, HMA). « La France dispose également d’un atout assez unique qu’est le Health Data Hub, et qui pourrait s’avérer être concurrentiel pour trouver les bons patients ou suivre le médicament sur le marché », estime Pierre Bentata. « L’IA sera nécessaire pour avoir accès à ces données et la France regorge de start-ups qui développent des algorithmes très puissants et avec lesquelles nous travaillons », complète Luca Mollo.
Juliette Badina
NB : Evènement organisé en partenariat par Pharmaceutiques et Asterès, avec le soutien d’AbbVie, du LFB et de Pfizer