La douleur : une urgence de santé publique
Les Rencontres de la douleur, organisées par Pharmaceutiques le 4 novembre, ont été l’occasion de revenir sur les différents types de douleurs, leur prévalence, leur prise en charge en France et les attentes des patients et professionnels de santé.
Selon l’Institut Analgesia, 42 % des français se disent concernés par la douleur chronique, avec une incidence en forte hausse. Or, si « la France a longtemps été pionnière dans la prise en charge de la douleur, avec ses plans douleur, tout cela s’est un peu épuisé au fil du temps », pointe tout d’abord le Pr Eric Serra, Président de la Société Française d’Etude et Traitement de la Douleur (SFETD), qui plaide pour le renforcement des structures douleur chronique, une meilleure articulation avec la médecine de ville, la reconnaissance d’actes voire de spécialités spécifiques à la douleur. De fait, « il s’agit d’une priorité nationale. Rendre la douleur supportable, c’est promouvoir une société plus humaine, plus respectueuse. Ce sont aussi des économies en termes de dépenses publiques », estime Patricia Demas, Sénatrice des Alpes-Maritimes, Membre de la commission des affaires sociales.
Des professionnels de santé mobilisés
Face aux quelque 23 millions de français douloureux, « le rôle du médecin généraliste est d’identifier l’origine de la douleur, d’établir une démarche diagnostique, de traiter la cause, tout cela en moins de 15 minutes », indique le Dr Pierre Tajfel, médecin généraliste, praticien de la douleur et président de l’Association « La Douleur et le Patient Douloureux ». Il doit aussi savoir adresser un patient à une structure ou à un spécialiste, en cas de diagnostic flou ou de traitement inefficace. Le pharmacien, de son côté, figure aussi en 1ère ligne : « Nous accueillons le patient qui vient pour des symptômes de douleur, l’orientons pour la suite de son parcours et avons un rôle de vigie pour les patients chroniques », précise Philippe Besset, Président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF).
Quant aux industriels, ils sont engagés en faveur d’un parcours de soins clair et du bon usage des médicaments. Ségolène de Marsac, Présidente-directrice générale d’Opella France & Vice-présidente de NèreS, pointe par ailleurs le défi de libérer la parole, alors que 63 % des patients ne parviennent pas à décrire la douleur. « C’est pour cette raison que nous avons lancé, avec NèreS, une campagne autour du bon usage ainsi qu’une campagne patients pour apprendre à mieux soulager la douleur avec une prise en charge holistique ». Un enjeu clé, dans la mesure où « la douleur engage rapidement tant la sphère physique que psychique : il est essentiel de la soulager très vite », pointe Françoise Alliot-Launois, Présidente, Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale (AFLAR). Elle insiste sur la nécessité d’accompagner le patient : au sein de l’AFLAR, un patient sur deux se dit trop seul face à la douleur.
Enfin,la capacité à assurer une meilleure prise en charge est également un défi en termes de souveraineté sanitaire. E cela passe notammen part un modèle économique garantissant la disponibilité des médicaments de premier recours.
Douleurs chroniques résistantes : nouveaux parcours
Les douleurs chroniques réfractaires sont celles qui persistent malgré l’optimisation du traitement. « En France, elles sont prises en charge dans 276 structures douleur chronique sur le territoire. Mais les délais d’attente sont élevés, avec une médiane de quatre mois », regrette le Pr Valéria Martinez, Présidente d’honneur, Société Française d’Etude et Traitement de la Douleur (SFETD).
Saisie sur cette problématique en 2023, la Haute Autorité de Santé (HAS) a signé un partenariat avec la SFETD et le CMG (Collège des Médecins Généralistes) afin de développer un parcours optimisant la prise en charge des patients douloureux chroniques par des équipes pluriprofessionnelles et pluridisciplinaires, dans des délais médicalement acceptables. Un parcours en trois niveaux a vu le jour et des fiches seront aussi élaborées, précisant pour chaque niveau les profils des patients, les examens réalisables, les professionnels mobilisables et les traitements médicamenteux et non médicamenteux utilisables. A Toulouse, le Dr Vladimir Druel, médecin généraliste, a mis en place ce parcours, avec l’équipe de soins primaires : « L’intérêt de ce mode de fonctionnement est d’avoir une prise en charge centrée autour du domicile du patient et une pluriprofessionnalité, avec des interactions pour trouver des solutions adaptées à chaque situation ». Françoise Alliot-Launois souligne elle aussi le travail accompli par la HAS et précise : « Travailler sur la coordination est fondamental : des liens forts doivent être créés pour guider le patient et le remettre sur un parcours de vie ».
Après la crise des opioïdes aux Etats-Unis, qui a entraîné, en France, la crainte qu’elle ne s’y exporte, ces fiches permettront d’éviter des thérapeutiques inadaptées et des mésusages : « L’objectif est d’avoir le bon patient, avec le bon professionnel de santé et le bon traitement, au bon moment », souligne le Dr Albert Scemama, Chef de projet scientifique à la HAS.
Valérie Moulle




