Emploi pharmaceutique : le risque du déclin
Avec une croissance en berne – + 1,1% en 2024 contre + 2,3% en 2023- la dynamique de l’emploi se ralentit chez les entreprises pharmaceutiques en France. Un signal d’alerte pour le LEEM, qui invoque l’instabilité juridique et la contrainte économique subies par le secteur.
« Nous alertons depuis longtemps sur les obstacles qui freinent les perspectives de développement de nos entreprises. En 2024, l’avertissement devient réalité : la croissance de l’emploi ralentit, les embauches en CDI reculent, les recrutements de seniors et de jeunes sont en baisse. » En préambule de la conférence annuelle du LEEM sur l’emploi, Laurence Peyraut, directrice générale du syndicat patronal du secteur, donne le ton. « Dans un contexte économique national et international de plus en plus contraint, la France perd du terrain, estime-t-elle. Nous sommes à l’heure des choix : si nous laissons la spirale actuelle se poursuivre, ce sont notre compétitivité dans les territoires et notre souveraineté sanitaire qui vacilleront. » Avec, à la clé, des effets délétères pour l’économie du pays, liés au risque de désindustrialisation dans certains territoires, de recul net de l’emploi et de déficit de la balance commerciale.
Menace sur l’attractivité
Insistant sur le contexte international, Laurence Peyraut évoque les nouveaux paramètres de la géopolitique du médicament. « Plus de 500 milliards de dollars d’investissements sont annoncés par les industriels aux Etats-Unis pour les cinq prochaines années, souligne-t-elle. Et la Chine, qui a investi plus de 300 milliards de dollars en R&D depuis 2019, va devenir à terme le leader mondial de l’innovation. » Dans cette course au leadership, l’Europe apparait potentiellement disqualifiée. Et la politique de l’administration Trump, illustrée par la « Clause de la Nation la Plus favorisée », aggrave les perspectives d’investissement en Europe, et particulièrement en France, où le bas niveau de prix pourrait limiter l’implication des groupes pharmaceutiques. « Il est urgent d’agir pour renverser ce décrochage compétitif. Or, nous n’en prenons pas le chemin, au vu du PLFSS actuellement en discussion. »
Premiers signes d’alerte
Pour le moment, les chiffres présentés par le LEEM montrent qu’il n’y a pas -encore- péril en la demeure sur le front de l’emploi. Entre 2020 et 2024, 8000 emplois nets ont été créés, et on recense en 2024 109 243 salariés. Cependant, comme l’indique Arnaud Chouteau, directeur emploi et formation, certaines tendances sont jugées préoccupantes. « Le nombre de CDI signés en 2024 (86% des emplois du secteur) a diminué de 10%, et le recrutement des seniors (50 ans et +) est passé de 1970 à 1527 en un an. Du côté des jeunes, 9903 alternants ont été accueillis en 2024, soit une hausse de 2,8% des effectifs, contre 6,1% l’année précédente. Surtout, nous prévoyons une baisse de 13% en 2025 des recrutements d’alternants. »
Soutenir une filière d’emploi exemplaire
Appelant les pouvoirs publics à soutenir « un modèle industriel exemplaire et créateur de valeur », le LEEM s’attache à mettre en avant ses atouts : un maillage territorial « au cœur des territoires » avec 256 sites de production, une majorité de femmes (57% de femmes contre 21% sur l’ensemble des secteurs industriels), une filière exemplaire pour l’emploi des seniors (38,5% des salariés ont plus de 50 ans), une filière « responsable » en termes d’inclusion sociale (5,75% des salariés en situation de handicap). « Préserver l’emploi dans l’industrie du médicament, c’est protéger un modèle qui crée de la valeur pour l’ensemble de la société, plaide Vincent Guiraud-Chaumeil, président de la Commission Emploi, Compétences et Territoires du LEEM. A l’heure des choix, il est essentiel de défendre cette richesse collective si nous tenons à notre souveraineté sanitaire. »
Hervé Requillart




