L’INCa donne le coup d’envoi à un G7 Cancer
L’INCa lance aujourd’hui le Groupe de coordination des pays les plus avancés dans la lutte contre le cancer, dit G7 Cancer. Accompagné de six autres organisations de six pays (1), l’institut français veut ainsi promouvoir la coopération internationale sur les sujets les plus complexes, comme les cancers de mauvais pronostic. En exclusivité, son directeur général Thierry Breton nous en présente la philosophie, les enjeux et le fonctionnement.
D’où est venue l’idée de cette coopération internationale ?
Thierry Breton : C’est une idée qui a émergé au moment de la préparation de la Stratégie décennale de lutte contre les cancers (2021-2030). Nous sommes partis d’un double constat. D’une part, nous faisons face à des questions scientifiques devenues tellement complexes que même les grands pays, seuls, n’ont pas les moyens de les traiter. Je pense en premier lieu aux cancers de mauvais pronostic, comme le cancer du pancréas, contre lequel les progrès sont extrêmement lents. D’autre part, on observe que dans certains domaines médicaux, la coopération scientifique internationale peut parfois produire d’excellents résultats. On a l’exemple de la lutte contre le VIH : grâce aux efforts conjugués des pays les plus avancés en matière de R&D et à un soutien apporté aux pays en développement, on meurt de moins en moins du Sida. Convaincus, nos ministres de tutelle (Recherche et Santé) ont accepté d’inscrire cette coopération internationale dans la feuille de route de la Stratégie décennale française. Puis nous sommes allés trouver un par un nos partenaires potentiels dans les pays les plus avancés dans la lutte contre les cancers, pour les engager avec nous dans cette démarche.
Quelle forme prendra ce G7 cancer ?
Nous signons aujourd’hui un accord de coopération (Memorandum of Understanding) entre sept organisations de France, d’Allemagne, du Royaume-Uni, du Canada, des Etats-Unis, du Japon et de l’Australie, qui dans leurs pays respectifs ont la charge d’animer la politique de lutte contre les cancers. Six d’entre elles sont des structures publiques rattachées aux administrations nationales, l’exception étant le Cancer Research UK, acteur purement associatif mais incontournable dans la lutte contre le cancer au Royaume-Uni. Pour des raisons de complexité de procédure, la Commission européenne, à qui nous l’avons proposé, n’a pas souhaité intégrer le groupe, mais elle a été associée à notre travail préparatoire et nous continuerons de la tenir informée de nos travaux. Nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas de redondance mais une vraie complémentarité avec les actions engagées dans le cadre du Beating Cancer Plan, qui est un peu l’équivalent européen de notre stratégie décennale.
D’autres agences d’autres pays, ou même des organisations internationales existantes, pourraient être amenées à nous rejoindre. Mais nous voulons conserver une taille modeste et une organisation la plus simple possible – une présidence et un secrétariat tournant tous les deux ans entre les membres – pour que les actions puissent être mises en place et avancer rapidement, en partageant nos orientations stratégiques.
Quelles seront les premières actions engagées ?
Dès aujourd’hui, nous sélectionnons deux à quatre thèmes de travail, parmi ceux proposés par les membres, sur lesquels nous entendons définir des objectifs et un calendrier, avec des résultats atteignables dans un délai de deux ans. Initialement nous nous sommes plutôt orientés sur les sujets de recherche scientifique, mais bien d’autres problématiques émergentes pourraient bénéficier de cette coopération. Par exemple, peut-on définir des critères substitutifs à la survie globale, qui est encore aujourd’hui le « gold standard » dans l’évaluation des médicaments ? C’est vraiment une préoccupation commune entre tous les acteurs. En coordonnant les efforts de chacun, nul doute que l’on parviendra à des résultats. Nous espérons que nos travaux pourront être une source d’inspiration et de discussions avec les différents gouvernements.
Concrètement, comment les projets seront-ils conduits ?
Avec cette nouvelle organisation, nous posons un cadre de discussion entre les agences, nous fixons un objectif commun et des livrables… libre à chacun ensuite de s’organiser comme il l’entend pour les atteindre ! Les projets associeront naturellement les parties prenantes dont l’intervention est nécessaire à leur succès : les autres acteurs nationaux de référence, les sociétés savantes, les associations de patients, les industriels… Pour l’instant il n’y aura pas de financement supplémentaire dédié. A plus long terme, l’on pourra envisager des appels à projets. Mais nous devons d’abord démontrer que ce type d’organisation peut fonctionner et apporter de réelles avancées.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) Deutsches Krebsforschungszentrum, Cancer Research UK, Canadian Institutes of Health Research, National Cancer Institute (Etats-Unis), National Cancer Center (Japon), Cancer Australia