Parcours de soins : mission dépollution !
La dépollution des parcours de soins ne se réduira pas au recyclage des produits de santé. Malgré les freins économiques et règlementaires, producteurs, acheteurs et consommateurs doivent désormais co-construire une véritable économie circulaire… avec le soutien du régulateur.
Le stade de la prise de conscience est franchi. La protection de la planète devient une priorité stratégique, y compris pour l’industrie pharmaceutique, qui se soucie davantage des impacts environnementaux causés par ses médicaments et ses dispositifs médicaux. A l’instar de l’éco-organisme Cyclamed ou du programme Returpen, les entreprises du secteur financent et organisent la récupération et le traitement de certains produits de santé polluants. La préservation du bien commun exigera cependant de pousser le curseur un cran plus loin. La problématique écologique ne concerne pas uniquement les producteurs, dont la responsabilité a été élargie par le législateur, bien au-delà du principe du « pollueur-payeur ». Contraints par des impératifs économiques et sociétaux, les acteurs du champ sanitaire devront collectivement repenser les modes de fabrication, de distribution et de consommation des soins pour déployer des filières innovantes et pérennes. Interdépendance oblige, la co-construction sera le premier moteur de l’action.
Expérimenter et innover
Comme souvent, le durcissement de la législation aura favorisé les changements de comportement, mais certaines barrières administratives et règlementaires ralentissent encore le mouvement. « Tous les produits de santé ne peuvent pas être recyclés. Les dispositifs médicaux perforants utilisés par les patients en auto-traitement doivent être incinérés en raison de leur potentiel risque infectieux. Idem pour nos boîtes individuelles qui permettent de les stocker. Les usagers pourraient très bien les réutiliser sans danger pour réduire cet usage unique de la matière plastique », rappelle Laurence Bouret, déléguée générale de Dastri. Autre défi prioritaire : les différentes parties prenantes devront rapidement se pencher sur les conséquences écotoxiques du progrès technologique, à commencer par le recyclage des composants électroniques et chimiques des DM connectés. Via l’installation d’un Dastri Lab au sein du technopole Temis Santé de Besançon, l’éco-organisme lancera une filière de collecte spécifique le 27 juin prochain. Parfois contre-productive, la règlementation n’est pas figée pour autant. Simplifié par un dispositif interministériel méconnu, le cadre expérimental présente trois atouts majeurs : libérer les énergies, briser les silos et promouvoir les initiatives les plus innovantes. Plusieurs conditions sine qua non sont toutefois posées… « Il faut penser les filières de recyclage dès la phase de conception des traitements, faire le lien avec les réseaux de soins et les patients, mais aussi réintégrer les matériaux recyclés dans le circuit économique », explique Manuel Gea, président d’Adebiotech et administrateur de Polepharma.
Réduire et réutiliser
Selon les experts, la décarbonation des activités et la gestion des déchets dans les établissements sanitaires et médico-sociaux seront deux enjeux critiques. Les fabricants sont prévenus : les acheteurs de soins seront de plus en plus attentifs aux aspects environnementaux. « Le référencement des fournisseurs éco-responsables est déjà un paramètre déterminant dans les procédures d’achat », souligne Isabelle Hamelin, directrice de la RSE et des affaires publiques de la CAHPP, qui propose une grille de notation pour éclairer la décision des services concernés. « Tous les laboratoires peuvent s’inscrire dans cette démarche d’évaluation continue. La dynamique partenariale sera essentielle pour susciter les bons réflexes », précise-t-elle. Ultime étape du processus, la transition écologique du secteur nécessitera la mise en place d’une véritable économie circulaire des produits de santé. « Rien ne sera possible sans une optimisation des ressources existantes. Il ne suffira pas de recycler. Il faudra également réduire et réutiliser pour gagner en efficacité et en qualité », affirme Jasha Oosterbaan, professeure associée en environnement et directrice de l’ISIGE – Mines ParisTech. Une chose est sûre : la route vers une éco-conception totale des soins sera encore longue. Elle passera notamment par une reconfiguration des modèles d’affaires et une meilleure captation de la valeur transformée. Elle passera surtout par le développement de solutions globales et co-construites. Une amélioration notable de la prévention et de la prise en charge des maladies sera tout aussi indispensable pour restreindre les besoins de santé de la population.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la deuxième table ronde du colloque « santé et environnement », co-organisé par Pharmaceutiques et Be-Concerned le 7 juin dernier.