Santé visuelle : une coopération efficace entre professionnels
La délégation de tâches entre ophtalmologistes et orthoptistes a contribué à réduire les délais d’accès à une consultation. Mais la visite chez l’ophtalmologiste demeure un passage obligé pour le dépistage de certaines pathologies graves.
Après une longue période de tension, les délais de rendez-vous avec un ophtalmologiste se sont grandement améliorés ces dernières années : « On est passé d’environ 66 jours en médiane en 2017, pour des rendez-vous non urgents à de nouveaux patients, à 28 jours en 2022 », applaudit le Dr Thierry Bour, président du syndicat national des ophtalmologistes français, lors de la deuxième table ronde du colloque Santé visuelle, organisé par Pharmaceutiques le 19 septembre dernier (1). Outre la relative stabilité du nombre de praticiens à environ 5 800 depuis une dizaine d’années, au lieu de la baisse drastique des effectifs annoncée par la Drees, la profession a su anticiper en mettant en place progressivement à partir des années 2000 la délégation de tâches aux orthoptistes. « Aujourd’hui, 78 % des ophtalmologistes exercent au sein d’équipes pluriprofessionnelles incluant des paramédicaux, en lien avec des opticiens et des orthoptistes libéraux », constate le Dr Bour.
Les équipes pluriprofessionnelles privilégiées
Cette coopération peut prendre différentes formes. Les centres Point Vision voient travailler ensemble des ophtalmologistes libéraux ou salariés, des paramédicaux (orthoptistes et autres) et des secrétaires médicales, afin de permettre aux médecins de se décharger des tâches administratives et techniques. « Nos 52 centres, présents dans de nombreuses grandes villes, vont prendre en charge plus d’1,5 million de patients cette année », se félicite le Dr François Pelen, co-fondateur et président du groupe Point Vision. L’enjeu est aujourd’hui d’améliorer l’offre dans les zones sous dotées. « En partenariat avec la Cnam, nous avons développé un modèle de « postes avancés » associant un orthoptiste en présentiel et un ophtalmologiste en téléconsultation, à moins d’une heure de distance, et qui au moins tous les 15 jours se rend dans un centre pour voir les patients qui le nécessitent », explique le praticien.
Le projet Retinax porté Dr Mathieu Lehmann sélectionné au printemps dernier dans la nouvelle promotion de PariSanté Campus – repose pour sa part sur le développement de plateaux techniques partagés entre différentes spécialités (notamment de chirurgie), facilitant la délégation de tâches et encourageant la conduite de projets de recherche communs. « Nous travaillons par exemple avec deux start-ups pour développer une analyse du fond d’œil grâce à l’IA, permettant un tri des dossiers à relire et la prise de rendez-vous avec un spécialiste dans des délais appropriés au cas du patient », expose le dirigeant.
A chacun son cœur de métier
Les effectifs des orthoptistes ont triplé depuis le début des années 2000 pour atteindre environ 6 000 professionnels en France aujourd’hui, la proportion de salariés en cabinet d’ophtalmologie tendant à se rapprocher des 50 %. Mais même si leurs compétences techniques ont grandement évolué, « nous devons maintenir une offre sur notre cœur de métier, qui demeure le bilan et la rééducation orthoptiques », insiste Laurent Milstayn, ex-président du syndicat national autonome des orthoptistes. L’accès direct à cette profession est possible depuis février 2023, y compris pour la prescription chez le jeune adulte de verres correcteurs et lentilles de contact.
Pour le Dr Pelen, l’orthoptiste peut être un premier recours pour une correction visuelle, mais une visite chez l’ophtalmologiste s’impose tout de même dans les mois qui suivent, « car c’est dans ce contexte que l’on peut s’occuper de prévention et de dépistage ». Une position approuvée par Déborah Loi, présidente de l’association France Glaucome, une maladie à dépister au plus tôt pour pouvoir bénéficier des traitements à même de la ralentir. Celle-ci milite pour « un dépistage précoce, à partir de 40 ans en population générale, avec trois examens simples (pression intraoculaire, fond d’œil et champ visuel) qui doivent être réalisés par un ophtalmologiste. » « C’est grâce à un suivi régulier par ces spécialistes qu’aujourd’hui 1,5 million de Français sont traités pour un glaucome », note Thierry Bour.
Julie Wierzbicki
(1) Colloque organisé avec le soutien de Johnson&Johnson Vision et Théa