Vers de nouveaux parcours de soins en dermatologie
Alors que la démographie médicale est insuffisante sur de nombreux territoires, les acteurs réfléchissent à leur coordination pour optimiser les prises en charge. Le dépistage et le diagnostic pourront également bénéficier des nouvelles technologies pour accroitre l’offre.
Avec 3 600 dermatologues, la France est insuffisamment et inégalement dotée. Les délais de rendez-vous du patient à son médecin spécialiste sont en moyenne de 9 à 12 mois. Dans l’attente de l’arrivée de la nouvelle génération en cours de formation, le docteur Luc Sulimovic, président du Syndicat national des dermatologues vénéréologues (SNDV) est venu témoigner le 15 novembre au colloque de Pharmaceutiques de la nouvelle coordination des équipes régionales spécialisées pour fluidifier et améliorer les parcours des patients. « Il faut recréer du lien entre les acteurs de santé de territoire, notamment par accord conventionnel au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), croit le dermatologue. Des financements de l’ARS sont prévus par avenants au niveau des CPTS. »
La téléexpertise au secours de la profession
Des projets de téléexpertise à titre expérimental pour la détection de tumeur ont été mis en place dans plusieurs régions, notamment dans les Hauts de France, la Corse et la Bretagne. « La téléexpertise mettant en relation un médecin traitant requérant et un dermatologue expert parait une solution adaptée aux territoires les plus dépeuplés de spécialistes », salue le docteur Henry Pawin, président d’Avisdoc. Cette plateforme sécurisée de diagnostic en onco-dermatologie, conçue il y a deux ans par des médecins pour des médecins, a permis de réaliser 1 300 actes depuis. « Nous avons un rythme d’une dizaine d’actes par jour, permettant d’accompagner les professionnels dans la prise en charge des lésions et d’éviter des consultations inutiles en dermatologie », se félicite son président. L’avenant 9 de la Convention médicale a créé des actes en tiers payant depuis le 1er avril 2022. Le requérant est rémunéré 10 euros par demande, le médecin expert 20 euros. Le Dr Mathieu Bataille, secrétaire du groupe de télédermatologie et e-santé de la Société française de dermatologie (SFD), souligne la nécessaire mise en place de formations à ces actes nouveaux et leur intégration dans le cadre règlementaire. « Pour comprendre les lésions, les photos doivent être de bonne qualité ; le risque étant de ne pas pouvoir répondre ou pire encore de donner une mauvaise réponse. » Si la téléexpertise permet de satisfaire à un certain nombre de besoins, la télémédecine doit rester complémentaire aux consultations. « Un espace de transition est nécessaire pour que le métier évolue », complète Luc Sulimovic.
Les risques associés à l’IA
« L’IA en onco-dermatologie est un outil d’une puissance considérable, salue Mathieu Bataille. Mais nous souhaitons qu’elle reste exclusivement dans le cadre médical, comme affinement du diagnostic. » L’intégration de l’IA à des outils de diagnostic ou de suivi pose la question de la responsabilité légale. « Qui sera responsable si le professionnel manque la détection d’un mélanome par l’un de ces outils ?, interroge Jérôme Bancarel, directeur de l’activité Inflammation & Immunologie et Médecine Interne de Pfizer France, qui se positionne comme un partenaire pour la sensibilisation et la formation des professionnels de santé sur l’environnement du médicament. Le laboratoire, via le Pfizer Healthcare Hub, propose des programmes d’incubation pour améliorer la prise en charge et le parcours de soins des patients en partenariat avec l’accélérateur d’innovation Wilco. « Des discussions sont en cours sur cette thématique avec la société d’assurance mutuelle MACSF sur la responsabilité de l’IA, indique Henry Pawin. Elle est très favorable à la téléexpertise, parce qu’elle est très régulièrement sollicitée sur des dossiers juridiques quant aux délais de prise en charge d’un carcinome, très préjudiciables pour les patients. » Tous les acteurs sont mobilisés pour l’amélioration de cette prise en charge.
Juliette Badina