Sclérose en plaques, entre progrès et besoins non-couverts
Avec 120 000 personnes concernées en France et 3 000 nouveaux cas chaque année, la sclérose en plaques est une maladie aujourd’hui bien connue. Elle dispose d’un arsenal thérapeutique fourni, mais fait encore face à des besoins médicaux non résolus et des défis de prise en charge. Les intervenants de la première table-ronde du colloque de Pharmaceutiques dédié aux maladies neurodégénératives sont venus témoigner lundi 4 décembre.
« La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune avec une forte composante inflammatoire qui se caractérise par une atteinte plus ou moins sévère des gaines de myéline des axones et du système nerveux central, présente en préambule le Pr Bruno Stankhoff, professeur de neurologie à Sorbonne Université et praticien hospitalier. La SEP a plusieurs présentations. La plus fréquente – 85 % des personnes entrant dans la maladie – est la forme récurrente rémittente, caractérisée par des poussées qui pourront partiellement régresser. Elle concerne trois femmes pour un homme. La forme progressive d’emblée de la maladie, qui concerne autant les hommes que les femmes, touche 15 % des patients en début de maladie. C’est également une évolution secondaire de la forme récurrente rémittente après 10 ou 20 ans. » Les connaissances scientifiques autour de la maladie se développent et d’importants progrès ont été accomplis ces 20 dernières années en termes de prise en charge thérapeutique notamment. « Aujourd’hui une quinzaine de traitements, qui ciblent la composante inflammatoire et couvrent la phase de poussées de la maladie, sont acceptés et remboursés, détaille le professeur. Mais il est plus difficile de contrôler la phase progressive de la pathologie ». De nombreux développements sont en cours.
Une forme progressive plus difficile à juguler
Les causes et facteurs de risque de la maladie restent difficiles à identifier. « Il y a plusieurs hypothèses, principalement liées à l’environnement et à l’exposition à certains virus comme celui d’Epstein-Barr (EBV, en cause dans la mononucléose) mais également une hérédité multigénique qui peut augmenter le risque de développer la maladie, détaille le Pr Stankhoff, indiquant que beaucoup de recherches sont encore menées sur ce champ. Autant de difficultés qui nous empêchent de développer des traitements pour guérir. Un panel d’agents pharmacologiques repositionnés qui pourraient avoir un effet sur ces réactions inflammatoires est actuellement à l’étude. »
S’appuyant sur des travaux en génétique humaine, la biotech suisse GeNeuro développe un anticorps monoclonal dirigé contre une protéine impliquée dans l’activation d’une inflammation à bas bruit et engendrant la neurodégénérescence dans les formes progressives de la maladie. « Une susceptibilité génétique et/ou épigénétique pourrait activer des voies qui contribueraient à cette vague lente et progressive qui définit cette forme, détaille Hervé Perron, directeur scientifique et co-fondateur de la biotech. Après une première étude avec des résultats significatifs, nous menons une deuxième phase II à l’institut suédois Karolinska avec lequel nous collaborons depuis 2019 pour confirmation de l’effet à des doses plus élevées, objectivé par IRM. » Les discussions sont en cours pour trouver un partenaire de phase III à réaliser sur des milliers de personnes avec un suivi d’au moins deux ans. Le dosage de cette protéine cible endogène permettrait de définir les patients les plus susceptibles de bénéficier de cette thérapie », complète-il.
Une prise en charge encore complexe
Cette complexité thérapeutique nécessite l’expertise des neurologues, « qui ne sont pas suffisamment nombreux, ni présents partout sur le territoire », regrette Jocelyne Nouvet-Gire, présidente de l’Association Française des Sclérosés en Plaques. Elle signale que l’errance diagnostique est aujourd’hui encore de cinq ans environ. La mutualisation des ressources dans des centres expert pour aider aux recommandations de décisions thérapeutiques est indispensable. « Une fois le diagnostic posé, l’interlocuteur peut devenir le médecin généraliste, avec un suivi par le pharmacien pour le renouvellement de l’ordonnance médicamenteuse », estime-t-elle. Des applications mobiles, comme le DM logiciel MSCopilot® développé par la société parisienne Ad Scientiam et marqué CE, permettront de répondre à la demande des neurologues, qui manquent de suivi et d’informations entre deux consultations. « Par le biais des capteurs du téléphone, notre outil permet de mesurer en vie réelle de données objectives couvrant quatre dimensions – marche, dextérité, cognition et acuité visuelle à bas contraste. S’y ajoute un questionnaire de qualité de vie notamment pour les symptômes invisibles de fatigue ou d’anxiété, détaille Dr Saad Zinai, directeur médical de la start-up. L’outil, déjà validé en clinique pour l’auto-évaluation des patients atteints de sclérose en plaques, est intégré dans plusieurs essais internationaux dans sept pays pour détecter les signes précoces d’aggravation du handicap chez les personnes atteintes de SEP. » Une technologie qui permettra peut-être de satisfaire aux attentes fortes de Jocelyne Nouvet-Gire, et des patients, en termes d’amélioration du lien avec leur neurologue et du suivi de leur parcours.
Juliette Badina