Dermatologie : un avenir sous le signe de la technologie
Les dermatoses nécessitent des soins adaptés pour atténuer leurs conséquences physiques, psychiques et psychologiques. Dans un contexte marqué par la pénurie de dermatologues, les nouvelles technologies pourraient optimiser les modes de prise en charge et la gradation des parcours de santé.
Elles favorisent le repli sur soi et la perte de productivité au travail. Visibles et imprévisibles, les dermatoses ont des incidences notables sur le quotidien des malades, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel, mais aussi sur celui de leurs proches. Démangeaisons et douleurs cutanées, fatigue, stress, anxiété, dépression… Variables selon les stades, les âges et les ressentis, leurs répercussions peuvent altérer lourdement la qualité de vie et la santé mentale des patients, en particulier chez les enfants et les adolescents. Au regard des nombreux impacts subis, deux évolutions paraissent indispensables pour rétablir la santé et le bien-être des personnes concernées : réduire les délais de prise en charge et élargir le champ du traitement. Le recours aux sciences humaines et sociales sera notamment un paramètre déterminant.
Des manques identifiés
La problématique est ouvertement posée : un tiers des patients touchés par une maladie de la peau ont un syndrome dépressif associé, voire une dépression avérée souvent non diagnostiquée. « La prise en charge du risque psycho-social a nettement progressé, mais elle doit encore être améliorée. Les soignants ne disposent pas toujours des compétences requises pour accompagner les personnes en souffrance. La formation sera une voie de progrès majeure », rappelle Laurent Misery, dermatologue au CHRU de Brest et directeur du laboratoire de neurosciences de l’Université de Bretagne Occidentale. Pénurie médicale oblige, les praticiens manquent de temps pour repérer, orienter et traiter les cas les plus complexes. L’accès aux soins dermatologiques demeure pourtant une priorité stratégique, notamment en pleine poussée, que les médecins généralistes ne peuvent pas systématiquement combler. « La moindre disponibilité des dermatologues alourdit la charge mentale et accentue le renoncement aux soins, non sans isoler davantage les malades. Les téléconsultations ne sont pas une alternative viable, sinon pour renouveler les ordonnances des patients stabilisés », déplore Stéphanie Merhand, fondatrice et directrice de l’Association française de l’eczéma. Au-delà des actions menées pour sensibiliser le grand public et susciter le dialogue, cette organisation s’appuie sur la donnée pour documenter, mesurer et valoriser scientifiquement l’expérience patient.
Des solutions prometteuses
Une chose est sûre : les nouvelles technologies ne remplaceront pas le contact humain, mais elles pourraient faciliter la coordination et la gradation des soins. « Le numérique doit être mobilisé pour optimiser les parcours de santé, ne serait-ce que pour chroniciser le suivi des patients et prioriser les situations urgentes, selon des modalités définies par les spécialistes du premier et du second recours », explique Nicolas Homehr, médecin généraliste et président de la CPTS du Sud Toulousain, qui a élaboré un parcours de télédermatologie inspiré des principes décrits. Avalisé par l’ARS Occitanie et financé par la CPAM de Haute-Garonne, ce protocole confraternel sera officiellement déployé en janvier prochain. Outre leurs efforts de recherche sur des traitements innovants, certains industriels ont misé sur l’intelligence artificielle. « Nous travaillons sur des solutions technologiques plus personnalisées, plus prédictives et plus inclusives pour augmenter les chances de guérison des patients, mais aussi la gestion et le vécu de leur maladie », affirme Markéta Saint-Aroman, directrice médicale du groupe Pierre Fabre. Elle évoque notamment une application mobile créée par la Pierre Fabre Eczema Foundation qui permet de scorer cliniquement le niveau de sévérité, de prédire la future crise et de conseiller les utilisateurs pour la prévenir, mais aussi un partenariat avec la startup Klineo qui doit faciliter les recrutements dans des essais cliniques onco-dermatologiques grâce à des algorithmes de matching.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la troisième table ronde du colloque sur la dermatologie organisé par Pharmaceutiques le 15 novembre dernier.