Technologie et médicaments : l’alliance pour le futur du diabète
Et si la prise en charge du diabète préfigurait la médecine de demain, avec l’alliance des produits de santé et des évolutions technologiques, y compris numériques ? L’assurance maladie est-elle prête à investir dans ces différents outils ? Les réponses apportées par les experts réunis par Pharmaceutiques incitent à l’optimisme.
Avec 4 millions de personnes touchées en France en 2021, le coût de prise en charge du diabète par l’assurance maladie atteint 10 milliards d’euros par an. En moyenne, le coût par patient est de « 5 000 à 6 000 euros par an… mais avec de grandes disparités – de 600 à 25 000 euros par patient – en fonction de son état et des complications, indique l’économiste de la santé Stéphane Roze. Le diabète est certainement un laboratoire pour le futur de la santé, puisqu’il y a ces marges importantes de dépenses, dans lesquelles on pourra aller chercher de nouvelles économies. » Des économies qui viendront notamment des innovations médicamenteuses et technologiques, qui se sont multipliées au cours de la dernière décennie. La première table ronde de la web conférence dédiée au diabète, organisée par Pharmaceutiques le 14 décembre 2023, en livre plusieurs exemples.
Mieux traiter le diabète de type 2… ou le prévenir
Pendant plus d’un demi-siècle, les seuls traitements médicamenteux du diabète de type 2 (500 millions d’adultes dans le monde, un chiffre en constante augmentation) ont été la metformine, les sulfamides et l’insuline. « Les années 2010 ont vu émerger de nouvelles familles d’antidiabétiques, beaucoup plus puissantes, dont les agonistes du récepteur de GLP-1 et les inhibiteurs de SGLT-2 », rapporte le Dr Alfred Penfornis, chef du service d’endocrinologie du Centre hospitalier Sud-francilien de Corbeil-Essonnes. Mais leur efficacité comme traitement de l’obésité a provoqué « une tension mondiale énorme : aujourd’hui les patients diabétiques ont du mal à y avoir accès », déplore le praticien.
Grâce à des modifications des pratiques alimentaires et des modes de vie, il est en théorie possible d’empêcher ou de retarder le passage du « prédiabète » (glycémie à jeun compris entre 1,1 et 1,26) au diabète. Or « si elles sont efficaces, ces mesures sont difficilement appliquées sur le long terme », rapporte Pascal Sirvent, directeur de la découverte et de la recherche préclinique et translationnelle de la société Valbiotis (Charente-Maritime). Ainsi, chaque année, 10 % des personnes prédiabétiques basculent dans un diabète de type 2. Valbiotis a développé des compléments alimentaires à base de combinaisons de molécules issues du végétal, « avec le même niveau de recherche qu’un médicament ». Une étude de phase III, ayant impliqué plus de 630 patients dans 50 centres de sept pays, s’est achevée il y a quelques mois, « Sur six mois, nous constatons une baisse de 40 % des nouveaux diagnostics de diabète », se réjouit le dirigeant, qui espère une commercialisation de son produit à partir de l’année prochaine. « On compte près de 700 millions de prédiabétiques dans le monde : le marché est énorme ! »
Un meilleur contrôle de la glycémie pour les diabétiques de type 1
Chez une personne en bonne santé, « la cellule du pancréas est le meilleurs des capteurs de glucose que l’on puisse imaginer, et régule parfaitement la production d’insuline en fonction de la glycémie perçue », décrit le Dr Penfornis. Mais une personne atteinte de diabète de type 1 (environ 250 000 personnes en France) ne sécrète plus d’insuline, et c’est à lui de « fermer la boucle », en mesurant sa glycémie plusieurs fois par jour et en s’injectant l’hormone.
Le « pancréas artificiel », plus exactement une « boucle fermée hybride », vient aujourd’hui transformer leur quotidien. Des capteurs portés en permanence assurent une mesure de la glycémie toutes les cinq minutes. Ces capteurs sont connectés à un algorithme pilotant une pompe à insuline qui, en fonction des résultats et des éléments annexes renseignés par le patient (repas, activité physique), injecte la bonne dose d’hormone. « Environ 15 000 patients en France bénéficient de ce type de système, qui a considérablement allégé leur charge mentale ! », en plus de stabiliser leur glycémie, se réjouit le praticien.
Côté médicaments, les inhibiteurs de SGLT-2 pourraient aussi avoir un intérêt dans le diabète de type 1 (mais n’ont pas encore l’AMM), en stabilisant leur glycémie, avec toutefois un accroissement du risque d’une complication métabolique, l’acidocétose, potentiellement mortelle. « On attend en 2024 un capteur de détection de l’acétone, qui permettrait de prévenir cette complication gravissime et peut-être d’utiliser ces médicaments dans le diabète de type 1. »
Une aide à l’accompagnement
« L’anticipation de l’évolution de la glycémie est le principal problème des patients traités par insuline, estime Stéphane Bidet, cofondateur en 2016 et CEO de la start-up francilienne Hillo. Cela nécessite de prendre en compte de très nombreux facteurs. » Hillo utilise l’IA pour, à partir de toute la donnée générée par le patient via les dispositifs connectés qu’il utilise déjà, construire des modèles ultra-personnalisés de la réponse glycémique, sorte de « jumeau numérique » qui permet de donner au patient des indications et des conseils. Cette technologie peut aussi être utile au personnel soignant pour comprendre comment les études sur le mode de vie ou thérapeutiques influent sur le contrôle glycémique du patient. L’objectif est d’intégrer l’outil d’Hillo à des plateformes ou applis déjà existantes, via des cessions de licence. « Et nous avons signé l’an dernier un partenariat avec Sanofi pour adapter notre technologie pour des patients qui utilisent des stylos à insuline : une plateforme web doit être déployée mi-2024, pour que les soignants puissent plus facilement suivre et analyser les données de leurs patients et leur proposer par exemple des interventions d’éducation thérapeutique. » « Nous avons réellement besoin d’une aide pour analyser toutes ces données et mieux accompagner le patient : c’est ce que nous attendons de ce type d’outil », assure le Dr Alfred Penfornis.
Pour Stéphane Roze, « on peut en France se payer toutes les innovations… à partir du moment où on peut en déduire un sens médico-économique. Le diabète est un cas d’école de l’investissement annuel et du retour sur investissement sur le long terme. Vu le coût annuel que représente la prise en charge du diabète et de ces complications, il y a certainement la possibilité d’investir dans ces différentes innovations… y compris les interventions de prévention. »
Julie Wierzbicki