Matthieu Coutet (Sofinnova Partners) : « Soutenir les biotechs dans leur preuve de concept »
Partner chez Sofinnova Partners – l’un des plus importants capitaux-risqueurs européens spécialisés dans les sciences de la vie, Matthieu Coutet décrypte pour Pharmaceutiques les difficultés rencontrées par les start-ups biotechs dans leurs premières phases. Des difficultés que compte spécifiquement adresser la nouvelle stratégie d’accélération Biovelocita lancée fin 2023 par Sofinnova.
Quel regard portez-vous sur le paysage des société healthtech – et plus particulièrement biotech – en France aujourd’hui ?
Matthieu Coutet (Sofinnova Partners) : Soulignons d’abord les points positifs : malgré les difficultés économiques rencontrées tant par les biotech que par les medtech, la dynamique des créations d’entreprises et des financements d’amorçage demeure très bonne en France. Cela signifie que les viviers d’innovation et de technologies, sur lesquels les investisseurs early-stage peuvent s’appuyer, sont toujours bien présents et même augmentent. Je veux saluer aussi la professionnalisation croissante des acteurs du transfert technologique, cela fait aussi une vraie différence. En résumé, le terreau est riche et on peut trouver des financements pour ces phases précoces. Les difficultés surviennent à l’étape suivante, celle des levées de fonds de série A. Du fait notamment de la crise et du contexte géopolitique, leur nombre a fortement chuté – même si le montant du ticket moyen, lui, est sensiblement en hausse. Il y a donc moins de sociétés financées. C’est vraiment ce gap entre l’amorçage et la série A qui me semble aujourd’hui le plus problématique. Il est très important de bien structurer la phase d’amorçage, de réaliser les bonnes preuves de concept et d’apporter les bonnes compétences sur les sociétés pour leur donner les meilleures chances de réussir leur série A par la suite.
Ne crée-t-on pas trop de sociétés, par rapport à la raréfaction du financement en aval ?
Le problème est qu’on ne sait pas forcément longtemps à l’avance d’où vont venir les prochaines tendances, les prochaines innovations et ce qui intéressera la pharma demain. Même s’il y a peu d’élus, la base doit rester large et solide pour que nous soyons en mesure d’y dénicher les pépites de demain, et bâtir un portefeuille d’investissements suffisamment diversifié pour répondre aux attentes de la pharma demain.
Sofinnova a officiellement lancé mi-décembre dernier une nouvelle stratégie d’investissement pan-européenne, Biovelocita (1). Comment compte-t-elle répondre aux défis rencontrés par les start-up biotech ?
Biovelocita, qui associe l’Italie, la France et le Royaume-Uni, se veut un fonds d’accélération des premières phases de développement de l’innovation, depuis son identification au sein même des laboratoires académiques jusqu’aux premiers essais cliniques. Nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs de tech transfert des établissements de recherche – nous avons d’ailleurs annoncé en décembre un partenariat stratégique avec le centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy. Quand une technologie prometteuse est identifiée, nous construisons avec les acteurs académiques un plan définissant les futurs jalons créateurs de valeurs, comment les atteindre et les financer. L’objectif est de soutenir des technologies qui nous semblent pertinentes, mais pour lesquelles il manque encore la preuve de concept qui ferait définitivement pencher la balance. Quand le projet est mûr et que les audits nécessaires ont été conduits, la société est co-fondée avec l’organisme de recherche. La spécificité est que le management de la nouvelle société est pris en main par les équipes de Biovelocita pour ses premières phases de développement, en finançant ses phases d’amorçage. Nous ambitionnons à terme la création d’un portefeuille de 12 à 15 sociétés : nous sommes déjà en discussions avancées pour trois projets d’investissement, dont un en France.
La solidité du management est-elle vraiment le principal écueil auquel se heurtent les sociétés en création ?
L’humain est définitivement un facteur clé de la réussite de développement d’une société. Au côté des scientifiques, bien entourés, un bon management est essentiel. Il faut pouvoir rendre l’entreprise suffisamment attractive, aussi bien en termes de preuve de concept que d’expertises et de réseau. Au plan financier, l’amorçage doit être suffisamment conséquent pour mettre l’entreprise dans une situation suffisamment solide. D’abord afin d’attirer un management de qualité et d’envergure international mais aussi en vue d’une levée de fonds de série A que Sofinnova pourra diriger ou co-diriger, avec des partenaires nationaux ou internationaux… pour lesquels le management est un facteur d’attractivité.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) L’initiative s’inspire de BiovelocITA, premier accélérateur de biotech fondé en Italie en 2015 avec le soutien de Sofinnova Partners. En italien, « velocita » signifie « vitesse ».
Pour en savoir plus sur le financement de la healthtech en France, retrouvez sur Pharmaceutiques.com la présentantion du Panorama France Healthtech 2023 de France Biotech.