Healthtech : quelques clés du rêve américain
A l’occasion d’un webinaire organisé par Neighborhood, des entrepreneurs medtech et investisseurs européens partagent leurs expériences et conseils pour bien aborder le marché américain. Un seul mot d’ordre : la préparation.
71 biotech se sont introduites sur le Nasdaq en 2020. Parmi elles, deux sociétés françaises : la dijonnaise Inventiva et la parisienne Nanobiotix, qui y ont levé respectivement 107,7 M$ en juillet et 113,3 M$ en décembre. Laurent Levy, fondateur et président du directoire de Nanobiotix, est venu témoigner de son expérience à l’occasion d’un webinaire organisé le 8 avril par Neighborhood (1) en partenariat avec Ulysse Communication. Pour l’entreprise, se coter sur le Nasdaq était « une nécessité à plusieurs titres », en premier lieu « chercher des capitaux qu’on ne pouvait pas trouver en Europe ». Mais aussi renforcer son implantation aux Etats-Unis pour y préparer l’arrivée de son produit à base de nanoparticules métalliques, NBTXR3, qui dispose déjà du marquage CE en Europe (2019) dans le sarcome des tissus mous. « En oncologie, si on ne se développe pas aux Etats-Unis, on est décalé par rapport aux réalités du marché », affirme-t-il.
« Avoir la bonne histoire à raconter »
Aborder le marché boursier américain ne s’improvise pas. « La clé, c’est la préparation, proclame Cédric Moreau, responsable du fonds Sofinnova Crossover (2). On estime qu’il faut mettre en place un chantier d’au moins deux ans pour se donner les moyens de ses ambitions. » Cinq jalons sont selon lui incontournables : disposer d’une bonne base actionnariale, être physiquement présent aux Etats-Unis (avec des compétences humaines et des partenariats académiques établis), s’assurer que sa technologie ou son projet résonne sur le marché américain, structurer sa société en conformité avec leurs standards… et trouver la bonne fenêtre de tir. Autant d’étapes qui nécessitent déjà un investissement conséquent en amont. La communication est cruciale : « Il faut avoir la bonne histoire et la bonne façon de la raconter, et convaincre que c’est le bon moment pour investir », résume-t-il.
Valider le chemin réglementaire
Un autre facteur clé du succès est de bien baliser le chemin d’accès au marché. « C’est seulement lorsque l’on a une idée précise de la valeur de notre produit et un parcours réglementaire validé par la FDA, qu’un investisseur peut se positionner », souligne Laurent Levy. Nicolas Durand, CEO d’Abionic, société suisse spécialisée dans le diagnostic, rapporte les difficultés rencontrées. « Notre produit pour le dépistage rapide du sepsis, validé par une étude multicentrique européenne, a beaucoup intéressé la FDA… mais l’agence a exigé qu’une nouvelle étude soit conduite aux Etats-Unis ! » Lancée début 2020, celle-ci a été stoppée par la pandémie de Covid-19. « Nous avons bon espoir que les études reprennent et qu’un dossier soit déposé d’ici fin 2021 », note-t-il, soulignant les possibilités d’évaluation et d’accès rapide, type autorisation d’urgence (EUA), propres à la FDA. « Bien comprendre le parcours du remboursement pour le patient est essentiel », ajoute Pierre Moustial, ex-dirigeant de Fournier et d’Urgo, et aujourd’hui président de Lauxera Capital Partners, qui accompagne les healthtech en phase commerciale. Le système assuranciel y est particulièrement complexe : « Il ne faut pas hésiter à mettre les moyens suffisants dans une étude de marché très fouillée. »
Bâtir son réseau
Franchir l’Atlantique impose d’appréhender une culture totalement différente. « Aux Etats-Unis, on joue pour gagner, assène Pierre Moustial. C’est un marché hyper compétitif, où l’on ne nous attend pas. La qualité de l’innovation ne suffit pas : si elle n’est pas rentable, ce n’est même pas la peine d’y songer ! » Son conseil : passer beaucoup de temps « sur place », et ne pas hésiter à embaucher « très cher » des managers expérimentés, voire même acquérir une société locale qui pourra servir de plateforme de lancement commercial. Pour Laurent Levy, c’est à chaque société de trouver son chemin en fonction de sa technologie et de ses objectifs. « La seule règle universelle, selon moi, est de créer le plus tôt possible des contacts avec tout l’écosystème, des deux côtés de l’Atlantique. »
Julie Wierzbicki
(1) Neighborhood est le centre d’innovation de Voisin Consulting Life Science pour l’accompagnement des start-up en santé.
(2) Pour en savoir plus sur l’accompagnement des sociétés healthtech par les fonds d’investissement, lire le dossier de Pharmaceutiques n°283, janvier 2021