PLFSS 2021 : gérer une dette…durable
Les premiers chiffres dévoilés du PLFSS 2021 traduisent l’effort de l’exécutif en faveur du secteur de la santé… au prix d’un nouveau creusement abyssal et durable des comptes sociaux.
Un ONDAM révisé à 10 milliards d’euros de perte pour 2020, une projection à + 3,5% en 2021, une dette de 136 milliards transférés à la CADES, qui devra la gérer jusqu’en 2032… Voilà les trois grands agrégats présentés ce 29 septembre par le gouvernement. A l’issue de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, et le ministre délégué chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, présentaient les grandes lignes du PLFSS 2021. « C’est un budget marqué par la crise sanitaire, c’est aussi un budget de transformation pour le système de santé, avec la traduction dès cette année des mesures prévues par le Ségur de la santé », tenait à rappeler le ministre de la Santé. Le détail des postes témoigne de l’impact de la crise sanitaire. En 2020, le supplément de dépenses lié à la pandémie représente 15 milliards d’euros. Mais 4 milliards d’euros n’auront pas été dépensés durant la phase de confinement. Et les complémentaires santé sont taxées d’un milliard d’euros en 2020, auxquels s’ajouteront 500 millions d’euros de taxe supplémentaire en 2021. D’où le solde, qui oblige à réviser à hauteur de + 7,6% l’ONDAM initial fixé à + 2,45% pour 2020, soit dix milliards d’euros.
Le coût de la crise sanitaire anticipé
Pour 2021, la crise sanitaire reste au cœur du chiffrage budgétaire : 4,3 milliards d’euros sont provisionnés pour les achats de vaccins, de tests et de masques. Une somme qui pourrait évoluer en fonction de divers paramètres : politique de prix, tensions d’approvisionnement, périmètre de prescription… De fait, les ministres n’ont pas écarté l’hypothèse de projets de loi rectificatifs, au vu des incertitudes qui persistent sur l’impact de l’épidémie. Outre la Covid-19, le budget 2021 confirme les accords signés en juillet dernier dans le cadre du Ségur de la santé. Les revalorisations des salaires à l’hôpital sont inscrits dans le projet de loi, avec une enveloppe de 7,89 milliards d’euros en 2021 et une autre de 1,93 milliard d’euros en 2022. De même, les 19 milliards d’euros d’investissement, dont 13 milliards de reprise de la dette et 6 milliards d’investissements, feront l’objet de premiers versements en 2021, avec un étalement programmé sur cinq ans.
Le déficit annoncé à 27 milliards d’euros en 2021
Si le gouvernement est -semble-t-il- au rendez-vous des promesses, l’engagement se fait au prix d’un approfondissement durable du déficit de la Sécurité sociale. Outre les dépenses liées au Covid19, l’année 2020 va se traduire par une profonde dégradation des recettes, avec au final un déficit de 44,1 milliards d’euros. Un trou abyssal qui a obligé à une reprise de dette de 4 milliards par la CADES en août. Et 20 milliards le seront d’ici la fin de l’année. Le déficit devrait se prolonger à 27 milliards d’euros en 202. Alors que la Sécurité sociale devait revenir en positif en 2024, la durée de vie de la CADES est prolongée jusqu’en 2032… et davantage s’il le faut. « La Sécu a toujours payé ses dettes dans les délais », affirmait Olivier Véran, évoquant la situation de 2009, quand il a fallu faire face à la crise financière. Mais 2021 sera encore une année noire pour les comptes sociaux, alors que le déficit budgétaire est estimé à 6,8% du PIB, contre 10,2% du PIB cette année.
1,7 milliard d’euros d’économies sur les produits de santé
L’année 2021 sera-t-elle synonyme de réinvestissement structurel pour la santé ? Oui, si on en reste au taux de l’ONDAM hors dépenses Covid : il augmentera de 6%, du jamais vu depuis le début des années 2000. Un peu moins, vu du côté des économies dégagées pour amortir le choc. Elles seront de 4 milliards d’euros, soit nettement plus que pour 2020 (3,3 milliards d’euros). Si le tableau détaillé n’était pas publié le 29 septembre, certains chiffres sont connus. La « structuration de l’offre de soins », par exemple, représente 800 millions d’euros. Les baisses de prix sur les produits de santé sont sensiblement comparables à l’exercice précédent, avec 640 millions d’euros sur les médicaments (contre 920 millions d’euros en 2020) et 150 millions d’euros sur le dispositif médical. La réduction des dépenses sur le champ des soins de ville (la maîtrise médicalisée) pèsera pour 570 millions d’euros. Au total, la facture pour les produits de santé avoisine 1,7 milliards d’euros, soit près d’un tiers du plan d’économies.
Un effort sur l’accès aux médicaments innovants
On notera cependant un effort sur l’accès aux médicaments innovants : le dispositif d’accès précoce aux innovations, qui comptent pas moins de six modalités différentes actuellement (ATU, RTU…) va être revu et simplifié. « Le schéma sera plus simple, plus lisible, plus visible », promet le dossier de presse du ministère. Une évolution qui prévoira à la fois un accès précoce systématique pour les médicaments innovants destinés à intégrer ke droit commun et un accès « compassionnel » spécifique pour certains produits, notamment dans les maladies rares. Une intention à étudier dans les détails, lorsque les mécanismes seront précisément connus. Autres mesures inédites : le prolongement pour deux ans du remboursement des téléconsultations, la création d’une 5eme branche de la Sécurité sociale pour la dépendance, le congé paternité prolongé ou encore une expérimentation de paiement forfaitaire pour les activités de médecine à l’hôpital.
Hervé Réquillart