Un Plan Healthech pour de futures licornes françaises
Dans la lignée du Plan Innovation Santé de France Biotech, le Plan HealthTech entend démontrer, en amont du CSIS, la convergence de vue des acteurs de l’écosystème sur les actions à entreprendre dans l’objectif de faire émerger en France des champions industriels en santé.
Depuis le début de l’année, les critiques se multiplient : l’absence de vaccin anti-Covid français traduit forcément l’état désastreux de l’écosystème d’innovation hexagonal en santé. A contre-courant, les auteurs du Plan Healthtech, présenté ce 13 avril lors d’une conférence de presse, ont adopté une posture résolument optimiste. « Il est vrai qu’en 2020, la France ne disposait pas d’une agence type Barda pour signer un chèque de 500 M€ à Valneva, reconnaît Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. Mais il ne faut pas que l’éléphant cache la forêt et tous les progrès considérables accomplis depuis de nombreuses années ! » Des progrès dont Pharmaceutiques s’est déjà fait l’écho dans son dossier de janvier, notamment en matière de financement. Pour autant, « il reste bien entendu un gros travail à mener, notamment pour faire grandir les entreprises françaises », souligne Nicolas Dufourcq.
Une analyse des besoins spécifiques
Alors que le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) doit rendre ses conclusions en juin prochain, Bpifrance s’est associée à Bio-Up (société d’accompagnement de dirigeants et entreprises healthtech), au Boston Consulting Group (BCG) et à France Biotech pour analyser les besoins spécifiques des entreprises de la filière et identifier les moyens de les adresser. Le travail de 10 co-auteurs et l’audition de 26 personnalités (majoritairement issues de la sphère des entreprises healthtech ou de sociétés d’investissement) ont abouti au Plan Healthtech. « Cela semble contre intuitif, mais le financement n’est pas ressorti de notre étude comme un problème majeur », commente Marie Humblot-Ferrero, directrice associée au BCG. La France dispose de toutes les ressources nécessaires pour financer les phases d’émergence, et plus en aval, des fonds importants commencent à se structurer. En revanche, le plan décline trois axes d’action « qui devront être portés de façon systémique par l’ensemble des acteurs », insiste Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de BpiFrance : la montée en compétence et l’attractivité des talents ; la structuration de la politique industrielle ; la simplification du cadre administratif.
Expertise, masse critique et continuum
Comme l’explique Elsy Boglioni-Hofman, fondatrice et directrice générale de BioUp, les deux grandes étapes très spécifiques des industries de santé (le développement clinique et la production à l’échelle industrielle avec des niveaux très élevés de qualité et de contrôle) nécessitent des compétences particulières, et de pouvoir s’appuyer sur des personnes d’expérience. « Il faut être prêt à payer ces experts, avec des salaires potentiellement élevés, note-t-elle. Pour les attirer il faut que les conseils d’administrations soient conscients de leur valeur ». Autre point clé pour disposer d’un écosystème compétitif : la masse critique. Paul-François Fournier appelle à la création d’une dizaine de « hubs » prioritaires et à une réflexion particulière autour des filières de bioproduction.
La mesure phare du plan, elle, est directement calquée sur une proposition portée par France Biotech dans son Plan Innovation Santé dévoilé à l’automne dernier, à savoir la mise en place d’une Agence de l’innovation en santé. « Il ne s’agit pas de créer une couche supplémentaire, mais plutôt de combler les trous dans la raquette qui sont nombreux, assure Franck Mouthon, président de France Biotech. Il faut que le système de santé exprime ses besoins, travaille main dans la main avec Bpifrance pour orienter le financement sur ces besoins, pour assurer un continuum de l’amont à l’aval et faire en sorte que ces innovations arrivent aux patients en France. »
Une conjoncture favorable
Hubs, agence de l’innovation, mobilisation des expertises… aucune des mesures portées par le plan n’est réellement nouvelle. Mais pour ses auteurs, la conjoncture est plus que jamais favorable. « Dans le contexte de la préparation du CSIS, nous voulons montrer qu’il y a un alignement des acteurs autour d’un certain nombre de mesures, explique Paul-François Fournier. Toute la valeur de notre rapport est dans cette cohérence. Cette circonstance donne les conditions de la réalisation de ce qui n’a pas pu être fait avant ». « On n’a jamais parlé autant en France et en Europe de souveraineté sanitaire : la volonté politique et le consensus sont plus forts que par le passé. C’est le moment où tous ces éléments peuvent se cristalliser », veut croire Marie Humblot-Ferrero.
Julie Wierzbicki