Agir contre la discrimination des soignantes à l’hôpital
Malgré une prise de conscience de l’importance de la parité hommes-femmes, le 3e baromètre Ipsos/Janssen montre que les discriminations sont encore fortes dans le monde de la santé.
Depuis trois ans, l’association Donner des ELLES à la Santé* alerte sur les difficultés rencontrées par les femmes médecins au cours de leur carrière. Bien qu’une prise de conscience collective de l’importance de la parité femmes-hommes émerge, le 3e baromètre Ipsos/Janssen – réalisé en ligne auprès de 521 médecins hospitaliers en février 2022 – montre que le secteur de la santé reste à la traîne. « 85 % des femmes médecins à l’hôpital déclarent s’être senties discriminées du fait de leur sexe durant leur carrière », alerte Etienne Mercier, directeur de département Opinion et Santé de Ipsos. Un taux qui augmente dans les premières années de médecine : 37 % d’entre elles disent avoir été discriminées durant leurs trois premières années (+5 points par rapport à 2021) et jusqu’à l’internat (59 % des femmes concernées). Ces discriminations restent à des niveaux très élevés, sans réelle diminution depuis la 1ère vague de l’observatoire en 2020. Pour 72 % des femmes, les hommes sont plus présents qu’elles dans les activités de représentation, 68 % considèrent que les hommes sont plus valorisés qu’elles à travail égal, 65 % s’entendent dire que la maternité et la vie de famille sont des freins à l’accès à des postes à responsabilité.
Une prise de conscience insuffisante
Les hommes médecins ont une certaine prise de conscience de la réalité de ces comportements discriminatoires, mais ceux-ci continuent pourtant d’augmenter ! Le tiers environ des médecins (femmes comme hommes) se dit favorable à la mise en place d’une règle de parité pour tous les postes à responsabilité. Plus de la moitié des médecins réclame des communications régulières sur ces sujets, l’établissement d’une charte pour l’égalité et d’un plan d’action validé par les instances du personnel, et la nomination d’un référent Egalité comme l’exige dorénavant la loi**. « En trois ans, l’association Donner des ELLES à la Santé a accompagné une trentaine d’établissements hospitaliers dans le lancement de leur démarche égalité en mettant à disposition un accompagnement, en formalisant l’engagement des différents acteurs avec des indicateurs de suivi et de bilan précis, et en leur proposant des conseils et des outils pour favoriser la mise en place rapide d’actions concrètes », se félicite Coraline Hingray, secrétaire de l’association et psychiatre à Nancy. Le Pr Wissam El-Hage, médecin psychiatre au CHRU de Tours, est venu en témoigner lors d’une conférence de presse en ligne mercredi 6 avril. L’association veut mobiliser en rappelant l’impact positif que ce type de transformation apporte sur l’efficience du système, la performance des établissements et de la qualité des soins.
Un climat général d’insatisfaction
Plus largement, les chiffres du baromètre révèlent une baisse générale de motivation. « Si le niveau de satisfaction des médecins hospitaliers à l’égard de leur vie professionnelle reste majoritaire (77 %), il se détériore de 5 points de pourcentage par rapport à 2021 », déplore Adeline Merceron, responsable de l’activité Santé de Ipsos France. Un an après le Ségur de la Santé, seul 23 % des médecins se disent pleinement satisfaits de leur situation. 27 % déclarent réfléchir très sérieusement à démissionner de leurs fonctions hospitalières et quitter l’univers de la santé. Les femmes médecins se déclarent toujours moins satisfaites que les hommes sur la totalité des indicateurs concernant leur vie professionnelle et plus spécifiquement sur : leur niveau d’avancement (76 % contre 83 % pour les hommes), le respect de la parité pour les postes à responsabilité (60 % contre 84 % pour les hommes), l’équilibre vie professionnelle/vie privée (51 % contre 66 % pour les hommes) et leur rémunération (41 % contre 53 % pour les hommes). L’ambition professionnelle des médecins est donc fortement questionnée.
Juliette Badina
*Association loi 1901 créée en 2000 par Géraldine Pignot, présidente de l’association et urologue à l’Institut Paoli Calmettes à Marseille, et Emmanuelle Quilès, présidente de Janssen France
** Accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 30 novembre 2018, qui devait s’appliquer au 31 décembre 2021 dans la fédération hospitalière