Filière de bioproduction : identifier les tensions, les besoins, et les opportunités d’investissement

En amont de la Journée Nationale de la Bioproduction de Biomédicaments (JNBB), France BioLead a officiellement lancé l’Observatoire de la Bioproduction ce mardi 3 juin, un outil destiné à cartographier, analyser et accompagner le développement de cette filière stratégique pour la souveraineté sanitaire de la France.
Avec 47 biomédicaments (1) dont la substance active est fabriquée en France et 6,3 milliards d’euros investis en cinq ans (2), la filière de bioproduction affiche une dynamique forte. L’Observatoire de France BioLead vise à fournir une vision claire et actualisée de l’ensemble des acteurs, projets, compétences et besoins du secteur. En 2024, 150 millions d’euros ont été levés en capital-risque par dix startups, marquant un élan significatif. « Sous le haut patronage du Président de la République, la Journée Nationale de la Bioproduction de Biomédicaments (JNBB) 2025 réunira jeudi 5 juin plus de 35 événements dans 12 régions, illustrant la vitalité de l’écosystème », indique Jacques Volckmann, président France Biolead. « C’est un enjeu de souveraineté, d’innovation et de compétitivité », a rappelé Laurent Lafferrère, directeur général de France BioLead. Il faut pouvoir développer et fabriquer ces thérapies en France. Pour cela, « il faut poser les fondations en renforçant la recherche fondamentale, mais aussi la recherche clinique, les compétences humaines et l’accès aux traitements », souligne Anne Jouvenceau, coordinatrice de la stratégie d’accélération « Biothérapies et bioproduction en thérapies innovantes » de l’AIS. Plus de 125 projets – de l’aval à l’amont – incluant 400 partenaires, ont été soutenus dans le cadre de cette stratégie pour un investissement de plus de 400 M€ sur l’enveloppe dédiée de 800 M€. « Un nouveau médicament, dérivé du sang, a vu sa production rapatriée sur le territoire depuis la mise en place de la stratégie d’accélération », indique-t-elle.
Une filière en pleine transformation
« Les projets soutenus concernent surtout l’oncologie, les maladies rares et l’infectiologie, avec en majorité des anticorps, des médicaments de thérapie innovante (MTI), et des vaccins », détaille la coordinatrice de la stratégie. La filière se distingue par des innovations de pointe : vaccins à ARNm de deuxième génération, vésicules extracellulaires, anticorps bispécifiques, ou encore mini-usines de production comme celles développées par les jeunes sociétés Astraveus (Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne) et CellQuest (Besançon, Doubs) qui visent à accélérer et réduire les coûts de fabrication des MTI. Le consortium CALIPSO, porté par Sanofi, Capgemini, le CEA et CentraleSupélec, illustre également cette ambition. Doté d’un budget de 17,5 M€, il vise à rendre plus robuste le pilotage des procédés de fabrication grâce à des capteurs en ligne et des technologies analytiques avancées.
Sans les talents, l’innovation ne suffit pas. « Il faut les compétences en face », insiste Arnaud Chouteau, directeur général Emploi Formation du Leem. Avec 76 000 salariés, dont 30 % en production, de nombreuses formations initiales et continues partout sur le territoire, la filière dispose d’un maillage solide. Mais elle doit encore renforcer son attractivité. Cinq projets de formation initiale ont été lauréats de l’AMI « Compétences et métiers d’avenir » afin de former plus de 2000 étudiants par an dans différents territoires.
« 3200 emplois supplémentaires sont attendus en production à court et moyen terme », assure Arnaud Chouteau. Jérôme Bédier, CEO d’Olon France (ex GTP Bioways) invite les industriels et les pouvoirs publiques à investir dans les CDMO « pour aller vers des acteurs suffisamment forts face au cycle long de développement des biomédicaments ». France BioLead a ainsi lancé avec 40 parties prenantes un groupe de travail sur l’attractivité et le recrutement, et organise des job datings pendant cette deuxième édition de la JNBB.
Une ambition européenne
Dans un contexte géopolitique tendu, la France entend jouer un rôle moteur à l’échelle européenne. 2e pays en Europe (derrière la Grande-Bretagne) pour le nombre de biomédicaments en développement, la France s’impose comme un acteur clé de la bioproduction. L’Observatoire de France BioLead montre que la France est dans le Top 4 des déposants européens de brevets dans le domaine des biomédicaments (5 986 familles de brevets actives (3)) avec quatre acteurs majeurs que sont l’Inserm, le CNRS, l’Université Paris Cité et Sanofi. « Il faut maintenir l’effort lancé, capitaliser sur la dynamique, et s’ouvrir à d’autres disciplines comme l’IA, le quantique ou les bases de données », affirme Anne Jouvenceau. De nouveaux horizons pour la filière.
Juliette Badina
(1) Dont 23 médicaments dérivés du sang, 12 vaccins, huit anticorps et quatre issus du microbiote
(2) Ces investissements sont majoritairement portés par ces grands groupes pharmaceutiques : Novo Nordisk (2,2 Mds€), Sanofi (1,7 Mds€) et LFB (800 M€).
(3) L’Allemagne (7 856) est en tête, suivie de la Suisse (7 100) et du Royaume-Uni (6 336)