Imagine, une « expérience » à transposer
14 ans après sa création, l’Institut des maladies génétiques Imagine veut faire rayonner le modèle de rapprochement des chercheurs et des start-ups autour du patient et les outils qui en sont issus. Et projette de s’agrandir afin d’exploiter tout le potentiel de ses bases de données.
Un « alliage expérimental public-privé » : ainsi le Pr Stanislas Lyonnet, directeur général de l’Institut des maladies génétiques Imagine, définit-il le modèle de collaboration entre les chercheurs et les entreprises, poursuivant le même objectif de favoriser les découvertes de thérapies et d’accélérer leur transfert au lit du patient. Au cours d’un débat organisé par l’ACIP (Association des cadres de l’industrie pharmaceutique) le 21 septembre dans les locaux de l’institut parisien, plusieurs industriels sont venus témoigner des opportunités offertes par cet écosystème.
La société Medetia, fondée en 2019 par d’anciens dirigeants d’Alexion France (dont un centre de R&D a été hébergé par Imagine durant plusieurs années), est implantée au sein de l’Institut depuis sa création. Elle a intégré la même année un consortium de recherche hospitalo-universitaire (RHU) coordonné par Stanislas Lyonnet, C’IL-LICO, autour des ciliopathies rénales. Elle a également initié une collaboration en juin dernier avec AtmosR – start-up aixoise dont une partie des collaborateurs travaille également à demeure chez Imagine – et l’équipe du Pr Jeanne Amiel, à l’origine de la découverte du gène du syndrome d’Ondine, maladie très rare du système du système nerveux autonome.
Un écosystème propre à l’accélération
Les grands groupes bénéficient aussi de cet environnement. « Il y a trois ans, nous avons formé nos équipes en les confrontant à l’excellence du lieu », rappelle Thierry Marquet, senior director, accès des patients à l’innovation de Takeda France. Une « excellence » qui tient beaucoup à l’architecture même de l’Institut, qui place littéralement les patients et leurs familles au milieu des chercheurs. « On a l’impression d’une effervescence au sein de ce « vaisseau », d’un processus d’accélération de la recherche autour du patient, ajoute le dirigeant. Cette approche intégrée, c’est l’avenir de la découverte de rupture, et c’est aussi ce qui, plus tard, fixera sur le territoire la production des thérapies. »
« Depuis notre création, nous avons accumulé des expériences très disparates, souligne Stanislas Lyonnet. A l’échelle d’Imagine, si le modèle échoue, ce n’est pas si grave. Mais si ça fonctionne, alors c’est transposable ». 14 ans après sa création, Imagine se veut l’illustration que cette philosophie de rassemblement géographique de la recherche, du soin et de l’entreprise, fondement même des Instituts hospitalo-universitaires (IHU), est un facteur de succès. « C’est un modèle qui fonctionne : il faut que l’Etat maintienne ses engagements », plaide le Pr Lyonnet, qui se réjouit de l’annonce d’une possible labellisation d’autres IHU à l’occasion de la présentation du plan Innovation Santé 2030 par Emmanuel Macron au début de l’été.
Pr Stanislas Lyonnet, directeur général de l’Institut des maladies génétiques Imagine :
« Le modèle des Instituts hospitalo-universitaires fonctionne ! L’Etat doit maintenir ses engagements. »
Partager les outils
Chez Imagine cohabitent aussi, sur deux étages, de bases de données hospitalières – issues de l’Hôpital Necker voisin – et de données de recherche. « Nous sommes très attachés à la conservation de cette mémoire, de cette connaissance qui s’accroît, pour accélérer le diagnostic des patients », s’enorgueillit le Pr Anita Burgun, responsable de l’informatique médicale. Les praticiens peuvent ainsi s’appuyer sur des outils innovants d’utilisation des données développés à l’institut, comme la suite logicielle d’interprétation des tests de séquençage génétique Polyweb, ou encore l’entrepôt de données « intelligent » Dr. Warehouse. « Nous disposons d’un entrepôt de données issues de 700 000 individus – les patients et leurs familles. Nous avons une exigence morale à les faire parler, les interpréter et les partager », estime le Pr Lyonnet, qui souhaite que les solutions numériques développées par Imagine puissent être utilisées par d’autres centres, sans qu’il y ait besoin de les redévelopper ailleurs.
Un nouveau centre pour « faire parler » les données
Pour maximiser la valorisation du potentiel de ces données, Imagine prévoit de se doter d’un tout nouveau centre dédié aux données de recherche en génétique. Nom du projet : Fast4KIDS. L’heure est au bouclage du financement : 15 M€ ont déjà été réunis, sur un coût total estimé à 25M€. « Nous nous adressons à tous les guichets possibles pour nourrir ce projet d’équipements, de savoir-faire et d’équipes nouvelles, rapporte Stanislas Lyonnet. Nous avons déjà le soutien de grands industriels comme Dassault Systèmes. » Les montants réunis serviront en premier lieu à la construction du nouveau bâtiment sur un terrain voisin – un accord a déjà été conclu en ce sens avec l’AP-HP. Ils financeront aussi la mise en place d’une infrastructure informatique optimale et sécurisée, prévoyant un hébergement des données dans un « cloud souverain français ». De nouvelles équipes pourront être accueillies, avec notamment de nouveaux profils de compétences dans le numérique et l’intelligence artificielle.
Julie Wierzbicki