Le transfert de technologie en santé se professionnalise
La 3e édition de l’Observatoire du transfert de technologie en Santé dresse un état des lieux du point de vue des PME françaises et montre une structuration des négociations d’accords public/privé.
Quelques 249 accords de licences de transfert de technologie en santé ont été signés ces deux dernières années en France, dont 74 par des sociétés créées à cet effet, des chiffres en légère augmentation par rapport à 2020. C’est ce que révèle la 3e édition de l’Observatoire du transfert de technologie en Santé, créé en 2018 par France Biotech et KPMG en France, avec le soutien de l’Agence de l’Innovation Santé (AIS) et de bpifrance. « Les enjeux liés aux partenariats public/privé sont clés dans le processus de valorisation de l’innovation et au-delà pour assurer la préservation de la souveraineté sanitaire de la France », indique Benoît Labarthe, responsable Recherche et Transfert de technologie à l’AIS. Cette étude a été réalisée auprès de 33 biotech et medtech qui développent des actifs issus de la sphère académique française et 22 offices de transfert de technologie (OTT). « Elle montre que le profil type de la PME ayant conclu un accord est une biotech, en développement préclinique, avec un âge moyen de 6 ans et un effectif moyen de 46 salariés, ayant en moyenne levé un montant de 2,3 millions d’euros (contre 9,4 M€ en 2020) », chiffre Clémentine Masson, Manager Business développement Life Science chez KPMG. 85 % des biotechs du panel sont des spin-off académiques et 82 % ont un dirigeant primo-entrepreneur.
Des marges de progression
Au-delà des constats, cette enquête a permis de dresser les évolutions et les marges de progression possibles en termes pratiques, de satisfaction, de délais de négociation et de parcours, durant ces deux dernières années. Pour Franck Mouthon, président de France Biotech, « cet observatoire met en évidence des avancées encourageantes notamment en matière de qualité des interactions et du niveau de professionnalisation des parties prenantes ». Concernant les éléments de négociation, les OTT fournissent quasi-systématiquement un « Term-sheet » aux entreprises, prévoyant les clauses du contrat (contre seulement 43 % en 2020). On observe également une amélioration significative voire une systématisation de la fourniture d’un plan d’affaires par les PME. La part d’entreprises accompagnées (avocat, conseil en propriété intellectuelle ou valorisation) dans le processus de négociation (85 %) a nettement augmenté en comparaison à 2020 (53 %). Cet accompagnement est particulièrement bénéfique pour les primo-entrepreneurs, « pas forcément armés sur le sujet », rappelle Sophie Binay, co-coordinatrice groupe de travail Transfert techno chez France Biotech. En 2023, 92 % des PME en santé ont déclaré avoir eu un mandataire unique (contre 84 % en 2020). Cependant, 22 % d’entre elles déclarent avoir dû discuter avec d’autres autres organismes en parallèle. « Les délais de négociation sont globalement plus courts que trois ans plus tôt (8 mois en durée moyenne du côté des PME, 6,7 mois du côté des OTT), même s’ils sont difficiles à mesurer tant la perception du démarrage de la négociation (T0) est disparate en fonction des réponses », tempère Clémentine Masson. Chloé Evans, responsable des études sectorielles chez France Biotech, alerte sur ces délais, qui s’ils sont supérieurs à 6 mois, constituent la principale difficulté à réaliser des accords industriels. « La Due Diligence (audit sur la propriété intellectuelle, la qualité des données expérimentales générées, et sur les opportunités de marché) reste une méthode sous-employée, par seulement 47 % des PME en 2023, constate Chloé Evans. Et n’est actuellement pas au standard industriel. »
Améliorer le partage d’informations
Pour les PME comme les OTT, les principales difficultés rencontrées dans la négociation sont liées aux conditions de partage de valeur (39 %), aux interlocuteurs (29 %) et aux droits concédés (14 %). Les facteurs clés de la réussite sont la qualité de la technologie licenciée, la qualité de la PI et la valeur potentielle de la technologie. « Des progrès ont été réalisés depuis trois ans, et on observe une augmentation des re-négociations », rassure Cédric Adens, associé, responsable des activités Healthtech de KPMG en France. Mais de nombreux chantiers restent ouverts tels que l’amélioration du partage d’information ou le renforcement de l’efficacité des échanges. « Lever ces barrières devrait permettre de faire éclore davantage de projets et ainsi contribuer à accélérer le développement de thérapies innovantes », indique Franck Mouthon. Les défis à venir sont nombreux avec l’articulation des acteurs et les modalités d’accès et de valorisation des bio-banques, des cohortes et plus largement des données de santé. C’est notamment l’objectif des pôles universitaires d’innovation (PUI), récemment lancés dans le cadre de France 2030 pour créer un écosystème et mettre les acteurs et les ressources existantes en réseau. France Biotech a mis en place en septembre dernier le portail pédagogique « France Health Tech Transfer » qui les récence.
Juliette Badina
Retrouvez notre dossier complet sur le système français de tech transfert et de valorisation dans notre numéro d’octobre 2023