Les investisseurs, une aide aussi stratégique pour les biotech
Le marché du capital-risque dans le domaine de la santé en France est resté soutenu en 2022, comme en témoigne le nombre d’opérations réalisées. Au-delà des financements, les investisseurs ont un rôle clé de gouvernance à jouer dans la société qu’ils accompagnent.
La France a été en 2022 le premier pays européen en termes de montants levés pour financer des entreprises de la filière Healthtech*, selon France Biotech qui a publié mi-février son « Panorama France Healthtech ». Quelque 2,6 milliards d’euros ont été levés en 2022 en capital (+14 % sur un an), dont 1,8 milliard en capital-risque, là où l’ensemble des sociétés européennes ont levé 10,6 Mds€ (en chute de 58 % par rapport à 2021). En nombre d’opérations, l’Hexagone reste en deuxième position (138), derrière le marché britannique (156). Un constat plutôt positif que partage Sandra Dubos, directrice de participations au fonds d’amorçage généraliste régional Kreaxi. « Avec huit nouveaux investissements, contre une volumétrie annuelle moyenne de six à huit, et une douzaine de refinancements, 2022 a été une bonne année », se réjouit-elle. Le véhicule d’investissement ARAC III (Auvergne Rhône-Alpes Création) doté de 37 M€ – qui compte sept investissements en santé sur les 30 -, a réalisé deux opérations dans le domaine en 2022. Il a permis l’accompagnement de la biotech Stromacare au stade préclinique dans les traitements des tumeurs solides, et de la société Previa medical qui développe une solution d’IA spécialisée dans la détection précoce du sepsis dans les établissements de santé. Et Kreaxi poursuit ses réinvestissements dans le domaine des Sciences de la Vie. « La société lyonnaise Fab’entech cherche un montant d’environ 40 M€ d’ici fin 2023 dans le cadre du développement de son portefeuille de produits dans le domaine des anticorps polyclonaux », témoigne-t-elle.
La Bourse n’est plus l’option privilégiée
Malgré cette position favorable, l’association France Biotech constate un « coup de froid global sur les marchés financiers ». Le nombre d’introductions en Bourse a chuté, et pas seulement en France et en Europe, mais également aux Etats-Unis. L’année 2022 a été assez soutenue pour Kreaxi en termes de sorties avec cinq opérations. « Mais une seule (BOA Concept) s’est faite par IPO, sur un marché devenu frileux, indique Sandra Dubos, qui précise que la dernière cotation boursière en santé de Kreaxi remonte à octobre 2017 : il s’agissait de celle de Theranexus, biotech spécialisée dans le traitement des maladies du système nerveux central. La dynamique boursière est très mauvaise, ce n’est pas le bon moment, et pourtant nous avons plusieurs sujets dans le secteur de la santé qui seraient assez matures pour l’envisager ! » L’objectif est de trouver la meilleure solution de sortie, qui valorise l’actionnaire autant que la société.
Défendre l’intérêt de la société
La gouvernance joue un rôle clé dans la vie de toute jeune société, avec pour objectif de défendre l’intérêt social de la startup et d’accompagner l’entrepreneur dans l’exécution de la stratégie. Sandra Dubos était venue témoigner de cet aspect lors de la réunion de l’association PLCF (Pharma Licensing Club France) en décembre dernier à Future4Care, aux côtés de plusieurs acteurs. « Nous prenons systématiquement une place au conseil de surveillance des sociétés dans lesquelles nous investissons, auprès des business angels présents, pour les accompagner au mieux dans leur trajectoire grâce à nos compétences externes, indique-t-elle. Mais cette gouvernance doit se faire avec un nombre limité de personnes pour être efficace. Il faut donc savoir laisser sa place, notamment lorsque les niveaux de maturité ne sont plus ceux de l’amorçage, avec des enjeux qui deviennent ceux de la clinique, du règlementaire, de l’industrialisation et du développement international. » Kreaxi est ainsi sorti du conseil de Theranexus au moment de son introduction en Bourse, et de Diabeloop, medtech spécialisée dans le diabète, lors de sa levée de fonds de série C de 70 M€ en juin 2022. Julie Rachnil, présidente de LallianSe (intégrateur en sciences de la vie), indiquait à l’occasion qu’« il est du rôle des partenaires financiers d’identifier des personnes à même de conseiller les dirigeants de l’entreprise et que cela doit rester agile et flexible en fonction des évolutions ». « Le pacte d’actionnaires qui régit leurs entrées et sorties et la répartition des pouvoirs doit être rédigé avec attention », prévenait Jean-Marc Bourrez, directeur général de EIT France, aussi pdg et cofondateur de SentinHealth. Au-delà du soutien au conseil de la biotech investie, Sanofi se félicitait de pouvoir « apporter un réseau d’experts au travers de ses différents partenariats avec des incubateurs, notamment Future4Care », complétait Marie-Ange N’Zoutani, Head of Acceleration Office Sanofi Partnering.
Juliette Badina
*La filière Healthtech française comprend 1 440 medtechs, 800 biotechs et 400 entreprises en santé numérique et IA.