Innovation Days : de la réflexion à l’action
Expression d’une centaine de chercheurs, soignants, patients, industriels, créateurs de start-up et décideurs, le think tank éphémère Innovation Days présente 16 recommandations d’actions « pour une politique volontariste de l’innovation en santé en France ».
« Ce n’est pas un think tank de plus : notre volonté est de catalyser et d’accélérer la mise en action, a affirmé Gérard Friedlander, délégué général de la Fondation de l’Université de Paris, un des cinq partenaires d’Innovation Days, le 2 mars lors d’une conférence de presse. La France décroche en matière d’innovation », a-t-il poursuivi, signalant que les crédits publics attribués à la R&D en santé avaient chuté de 28% entre 2011 et 2018 quand ils avaient augmenté de 11% en Allemagne et de 16% au Royaume-Uni. Pour endiguer ce recul, une centaine de participants de différents horizons a émis 16 recommandations regroupées en quatre champs thématiques : « terre de champions », « changement d’échelle », « data humaines » et « avenir du soin ».
Prise en compte du patient
Le think tank suggère essentiellement de « promouvoir le dialogue entre patients, usagers et professionnels de santé et du médico-social pour s’assurer de l’adéquation d’une innovation à un besoin spécifique ». « Il faut prendre en compte le patient réel, lui demander son avis, l’impliquer à toutes les étapes, depuis la conception jusqu’à l’évaluation et la diffusion », a insisté Jean-Jacques Yarmoff, responsable stratégie internationale de BioLabs. Il faudra également faire preuve de « pédagogie » vis-à-vis des patients pour « expliquer les bénéfices » de l’innovation, selon Laure Guéroult-Accolas,fondatrice de Patients en réseau. « Les données de soins sont un échantillon de recherche qui permettent d’améliorer le diagnostic et les soins », illustre-t-elle.
Interactions avec les décideurs
Le dialogue doit également se renforcer avec le système réglementaire et gouvernemental pour l’approbation et le remboursement des innovations. « Nous avons besoin de transparence sur l’évaluation médico-économique », reprend Gérard Friedlander. Cela doit s’accompagner d’une réduction et d’un cadrage des délais administratifs. « Il existe un hiatus entre le rythme d’innovation des start-up et la réactivité du législateur et des pouvoirs publics », pointe Alain Chagnaud, directeur associé du cabinet de conseil Roland Berger, en charge du secteur public. Ainsi, il souhaite « fixer des délais maximum de réponse dans l’évaluation de projets, notamment dans le domaine du digital, adapter le cadre administratif au rythme de l’innovation, et améliorer la réactivité et l’attractivité des expérimentations type article 51 (de la LFSS 2018) ».
Partage de connaissances
L’évaluation repose fortement sur le partage de données en vie réelle. Le think tank veut « fédérer les bases de données à l’échelle européenne et industrielle sur des thématiques spécifiques ». « Nous avons besoin de mieux repérer les patients candidats à un traitement et de mesurer l’impact de celui-ci en vie réelle », explique Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, qui salue l’avancée de la France avec le Health Data Hub et le projet communautaire d’European Health Data Space. « La France a des atouts dans le domaine des données de santé et de l’intelligence artificielle, ainsi qu’en recherche académique et clinique, et dans la healthtech, relève Corinne Blachier-Poisson, directrice générale d’Amgen France. Ce sont des points forts mais isolés. On travaille en silos », reconnaît-elle. « Notre pays est riche en neurones mais manque de synapses », ajoute Gérard Friedlander.
Tentant de pallier cette faiblesse, les recommandations du think tank ont été envoyés au plus haut niveau de l’Etat (présidence, Premier ministre, ministères), aux académies de médecine et de pharmacie ou encore au Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). « Des rendez-vous ont été pris avec les différentes institutions », rapporte Corinne Blachier-Poisson. « Nous allons harceler les décideurs jusqu’à ce qu’ils nous donnent des réponses ! », affirme Gérard Friedlander. Affaire à suivre.
Muriel Pulicani