Innovation Santé 2030 : la grande ambition
Le 29 juin, Emmanuel Macron présentait les grandes mesures du CSIS 2021. A la clé, un plan ambitieux pour replacer la France en pole position dans le secteur des industries de santé.
Plus de 7 milliards d’euros investis, un plan de relance massif de la R&D et de la recherche clinique, un accès direct au marché pour les médicaments à ASMR I à IV, un ONDAM produits de santé à + 2,4%, de nouveaux moyens au service de la transformation numérique, un écosystème dédié à l’innovation et porté par une agence ad hoc… Voici quelques-unes des mesures annoncées par le président de la République, le 29 juin, à l’occasion de la présentation du plan ”Innovation Santé 2030”. Un exercice solennel, à la mesure des enjeux posés par la crise sanitaire, et quand le secteur de la santé apparait comme l’un des premiers moteurs de croissance pour le pays. Des engagements concrets et diversifiés, au moment où il faut donner de la visibilité et de la stabilité aux industriels pour favoriser les investissements stratégiques et capter les innovations. « Faire de la France la première Nation européenne innovante et souveraine en santé » : la ”base-line” du plan Innovation Santé 2030 donne le ton. Durant une heure, Emmanuel Macron aura décliné avec conviction les axes déployés pour réussir cette ambition. « Nous avons vu les forces et les faiblesses de notre système durant la crise, indiquait-il. Comment peut-on l’améliorer ?(….) Il faut qu’on arrive à décloisonner comme on a réussi à le faire pendant la crise ».
Recherche : la remise à niveau
Premier défi, la recherche bio-médicale va bénéficier d’un effort conséquent, avec un milliard d’euros de moyens supplémentaires. « La R&D Santé a diminué de 25% en dix ans par rapport aux pays comparables, soulignait Emmanuel Macron. Très clairement, on a des acteurs trop divisés et dispersés, ce qui rend le système beaucoup plus lent que ceux de nos voisins. » Soutien aux IHU et aux clusters de dimension mondiale, développement des infrastructures de recherche, des cohortes et des biobanques, promotion de la souveraineté de la France en matière de recherche clinique, politique d’attractivité auprès des chercheurs de très haut niveau, effort de formation… un programme spécifique sera ainsi créé pour financer « 15 à 20 talents », qui bénéficieront chacun de 3 à 5 millions d’euros pour s’établir en France et lancer leur laboratoire de recherche. De même, un « pôle européen » en oncologie sera constitué autour de l’Institut Gustave-Roussy, de Paris-Saclay, de l’IPP et de Sanofi, avec des moyens dédiés et une approche transdisciplinaire, pour produire les innovations de demain. Côté recherche clinique, deux initiatives, parmi d’autres, ont été évoquées : la réforme des Comités de protection des personnes (simplification des mesures administratives, moyens financiers revus à la hausse) et le projet LEEM-APHP de réduire « de 204 à 120 jours » les délais des premières inclusions dans les essais cliniques.
Priorité à la filière des biothérapies
Placé sous le signe de la souveraineté sanitaire, le plan Innovation Santé 2030 porte notamment un projet sur lequel Emmanuel Macron a particulièrement insisté : le soutien aux filières de la biothérapie et de la bioproduction. « Nous dépendons à 95% des importations en biothérapie, nous devons donc rattraper la situation, et même la dépasser », martelait-il. 800 millions d’euros seront investis, avec l’objectif de parvenir, en 2025 « à produire en France cinq nouveaux biomédicaments, à doubler le nombre d’emplois et à favoriser l’émergence d’au moins une licorne et cinq nouvelles ETI en biotechnologie ». Quatre sous-objectifs sont ciblés : l’oncologie, les thérapies génique et cellulaire, les nouveaux systèmes d’expression et les outils d’optimisation des systèmes de culture et procédés de bioproduction. Pour y parvenir, les pouvoirs publics attendent que les moyens investis permettent de générer « au minimum deux milliards d’euros d’investissements privés ».
Le numérique renforcé
Perçu comme un facteur majeur d’accélération de l’innovation et de transformation des organisations, le numérique en santé bénéficie d’un nouvel effort budgétaire. Aux deux milliards d’euros déjà prévus par le Ségur de la santé vont s’ajouter 650 millions d’euros, destinés à accélérer la dynamique. Ils serviront à développer le programme Paris Santé Campus, qui vise à fédérer acteurs publics et privés autour de projets de recherche et d’innovations, avec la nécessité de préparer « la génération future » de la santé numérique, mais également un écosystème attractif pour valoriser les solutions numériques. Enfin, la crise Covid impose de revoir l’approche hexagonale sur les maladies infectieuses émergentes et les menaces NRBC (Nucléaire Radiologique Biologique et Chimique). 750 millions d’euros seront dépensés pour plusieurs axes : recherche pluridisciplinaire, innovation, capacités de production, anticipation des crises, formation multidisciplinaire.
L’accès au marché… libéré !
Bien que de conception plus globale que les versions précédentes, le CSIS 2021 n’en oublie pas pour autant les préoccupations des industriels en termes de soutien économique et d’accès au marché. Plusieurs mesures complètent le récent accord-cadre LEEM-CEPS, avec notamment l’une d’entre elles, arbitrée au dernier moment, et qui a agréablement surpris les industriels : les médicaments à ASMR I à IV pourront désormais accéder au marché dès l’avis rendu par la HAS, et avant la négociation de prix avec le CEPS. « Nous mettons en place un dispositif comparable à ce qui fonctionne en Allemagne, a précisé le président de la République. Je ne pense pas que les Allemands soient des gens qui dépensent mal l’argent public. » Si la négociation de prix échoue, le médicament est retiré du marché. Autre mesure, celle-là attendue : le périmètre de la liste en sus va s’élargir, afin d’accroître l’équité d’accès aux médicaments innovants et coûteux à l’hôpital. Enfin, Emmanuel Macron prend un engagement, qui tiendra au moins le temps d’achever son quinquennat : l’ONDAM Produits de Santé sera fixé à + 2,4%. Un taux de nature à modérer la logique de baisse des prix et à rendre plus attractif le marché français pour des lancements de produits et/ou des investissements industriels.
Une agence pour le pilotage stratégique
Un plan global, donc, transversal également, qui vise non seulement à financer davantage les industries de santé et la recherche biomédicale, mais aussi à changer les pratiques, en insistant sur la formation, les collaborations public-privé, la fertilisation croisée, l’ancrage territorial… Il faut, au passage, signaler la création annoncée de l’Agence de l’innovation en santé. Prévue pour début 2022, elle était proposée par plusieurs parties prenantes, dont France Biotech. Elle aura vocation à assurer le pilotage stratégique du plan, mais également à simplifier le parcours de création d’entreprise et d’accès au marché, à accompagner les start-ups et ETI et à financer une partie de l’innovation. Sa gouvernance, son positionnement, ainsi que ses crédits de fonctionnement vont faire l’objet d’une étude de faisabilité dans les prochains mois. Mais l’ambition est claire : s’inspirer du modèle de la BARDA américaine et l’intégrer de façon harmonieuse au projet d’HERA, l’agence européenne qui doit voir le jour prochainement… sans doute au moment où la France prendra la présidence de l’Union européenne, en janvier prochain ! Quand les planètes s’alignent…
Hervé Réquillart