Janssen veut travailler « main dans la main » avec l’écosystème français
La stratégie d’open innovation de Johnson & Johnson Innovation dans le champ de l’intelligence artificielle et de la génomique se décline aussi en France, illustrée par le renforcement de l’engagement de Janssen France via ses récents partenariats. Entretien exclusif avec Virginie Lasserre, directrice Affaires externes de Janssen France, et Mohamed-Ramzi Temanni, directeur scientifique intelligence artificielle et génomique France au sein de l’équipe Sciences computationnelles de la R&D Monde de Janssen.
Comment la stratégie de J&J Innovation s’intègre-t-elle dans l’écosystème français ?
Virginie Lasserre : Voici plus d’un an que les équipes de R&D monde ont fait le choix d’investir dans l’écosystème français. Cette démarche s’inscrit plus largement dans la stratégie d’open innovation du groupe J&J, qui s’est manifestée par la création des JLabs et des centres d’innovation régionaux (le centre européen étant basé à Londres). L’idée est d’aller à la rencontre des acteurs de l’écosystème sur les territoires, notamment les start-up, afin d’allier nos compétences et nos ressources. Parallèlement le groupe adopte une démarche de soutien de l’écosystème de recherche académique, autour des thèmes de l’intelligence artificielle et de la génomique. Dans ce cadre nous avons échangé avec un certain nombre d’acteurs du territoire français pour partager notre vision, et explorer les potentialités de partenariats public-privé s’inscrivant dans le long terme.
Pourquoi focaliser cette stratégie sur l’intelligence artificielle et la génomique ?
Mohamed-Ramzi Temanni : Aujourd’hui, avec les avancées technologiques, un grand nombre de données sont générées à plusieurs niveaux afin de mieux comprendre les maladies, mais ces données massives sont difficiles à analyser sans le recours aux data sciences et à l’IA. De plus en plus nous utilisons de la donnée génomique, au travers par exemple de grands programmes de séquençage de populations, pour aller vers des approches de médecine personnalisée. L’écosystème français en matière d’IA est bien positionné dans les classements internationaux. Pour la mise en œuvre de notre stratégie en France, notre objectif est de nouer des liens stratégiques avec des partenaires majeurs. C’est dans ce cadre que s’inscrit notre contrat de mécénat, signé fin 2020, avec PrAIrie, alliance de plusieurs partenaires académiques et industriels basés à Paris, pour développer les applications de l’IA notamment en santé. Au sein de ce consortium nous discutons avec plusieurs équipes pour identifier des thématiques de recherche d’intérêt commun.
Virginie Lasserre : Nous bénéficions en France d’une double convergence. D’une part, la volonté affichée par le président de la République Emmanuel Macron de vouloir faire de la France un leader dans l’IA, avec la santé comme l’une des principales thématiques, et qui a abouti notamment à la création du Health Data Hub ; en tant qu’industriel de santé nous voulons accompagner toute cette réflexion autour du partage et de l’utilisation de la donnée. D’autre part, le lancement en 2015 du Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG) (1) : nous souhaitons être à la table des discussions et co-construire des collaborations public-privé.
En tant qu’industriel pharmaceutique, quelle pourrait être implication dans la mise en œuvre du PFMG ?
Virginie Lasserre : De nombreuses opportunités de collaborations sont possibles. L’idée est d’identifier comment nous pouvons mutualiser nos ressources et nos budgets sur des objectifs communs partagés. Jusqu’ici la place des industriels dans ce plan est demeurée assez floue, mais à présent que les acteurs chargés de la coordination ont obtenu le feu vert gouvernemental pour avancer, nous espérons que cette réflexion d’ouverture vers un consortium public-privé va pouvoir réellement démarrer.
Mohamed-Ramzi Temanni : A titre d’exemple, au Royaume-Uni, Janssen est partie prenante, avec plusieurs autres industriels pharmaceutiques, d’un consortium autour de UK Biobank, qui devrait disposer en fin d’année de 500 000 échantillons. Nous travaillons ensemble sur la génération de données, et partant de là, chaque partenaire pharmaceutique essaye de répondre à ses propres questions. De ce consortium a émergé au sein de la R&D globale de Janssen une réelle expertise de l’exploration, de la gestion et de l’analyse des données, et nous pensons que cette expertise peut être utile au PFMG.
Vous venez d’annoncer une collaboration de recherche de trois ans avec l’Institut Pasteur et l’AP-HP, pour améliorer la compréhension des voies de signalisation impliquées dans les maladies inflammatoires chroniques. Comment celle-ci s’articule-t-elle avec la stratégie de R&D globale de Janssen ?
Mohamed-Ramzi-Temanni : Au niveau global, nos équipes de data science travaillent avec les équipes de R&D dans les différentes aires thérapeutiques pour comprendre quelles sont leurs problématiques et leurs questionnements, et nos partenariats « locaux » vont aider à répondre à ces questions. Nous faisons en sorte que ces partenariats soient gagnant-gagnant. Ainsi dans le champ des maladies inflammatoires, qui sont extrêmement complexes, l’important n’est pas seulement l’accès aux données mais aussi à l’expertise méthodologique, médicale et clinique. La génomique peut nous permettre d’identifier des marqueurs mais cela n’explique pas tout : nous avons besoin d’expertises multidisciplinaires pour améliorer la compréhension. L’Institut Pasteur est un centre mondialement reconnu en immunologie, et avec en plus l’appui de l’AP-HP, nous bénéficions d’un écosystème complet et pluridisciplinaire, où tous les acteurs sont impliqués. L’orientation de ce partenariat sera amenée à évoluer en fonction des nouvelles questions qui émergeront.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) Retrouvez un point complet sur les enjeux et l’avancement du Plan France Médecine Génomique 2025 dans Pharmaceutiques n°284 (février 2021). Le financement du collecteur-analyseur de données a été validé en mars dernier.