John Reed, directeur R&D de Sanofi : « Des pratiques guidées par la science »
Sous la direction de John Reed, nommé en 2018 à la tête de la recherche et du développement de Sanofi, le pipeline du groupe a fait d’importants progrès grâce à l’utilisation de plateformes technologiques de pointe et la simplification des process. Illustrations avec quelques exemples de partenariats menés.
– En visite à Paris, vous avez participé au rendez-vous annuel VivaTech, consacré à l’innovation technologique. Quelle est votre vision de l’écosystème local ?
L’écosystème francilien d’hôpitaux, universités, patients, industriels, investisseurs, organismes nationaux de recherche, autorités publiques, et start-up à haut potentiel doit permettre d’accélérer la mise à disposition de traitements innovants, d’améliorer les parcours et la qualité des soins, notamment en oncologie. Nous avons de nombreuses collaborations avec des acteurs académiques et des biotechs, depuis les étapes de développement précoce jusqu’à la clinique, puis à la production. En tant que membre fondateur, Sanofi a ainsi investi de façon significative dans l’association Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) *, annoncée par le Président de la République dans le cadre du CSIS en juin 2021 et créée début février dernier. Le PSCC a pour ambition de réunir dans le sud de Paris des expertises qui vont de la biologie à la médecine, en passant par la bio-informatique et l’utilisation de l’intelligence artificielle. Son envergure internationale doit positionner la France parmi les leaders mondiaux de la transformation de la science en valeur dans le domaine de la cancérologie.
– Quelle est la place de l’oncologie dans le pipeline de Sanofi ?
Nous avons un focus important en oncologie, notamment en immunothérapies, avec 15 molécules en développement clinique dans notre pipeline. Sanofi collabore depuis 2016 avec la biotech Innate Pharma et nous venons de sélectionner un premier anticorps multi-spécifique engageant les cellules NK comme candidat-médicament. Un deuxième programme est en cours. Une part significative de nos travaux en oncologie est réalisée à Vitry-sur-Seine, en connexion avec l’écosystème local.
– Quels sont les autres piliers du « New Sanofi » ?
Nous sommes le leader mondial en immuno-inflammation, et toujours en croissance rapide, avec des axes de recherche dans le respiratoire, la dermatologie, la gastroentérologie… Nous avons également une quinzaine de molécules en développement dans ce domaine. Notre blockbuster Dupixent@, inhibiteur des interleukines 4 et 13, aujourd’hui homologué dans la dermatite atopique chez l’adulte et l’enfant, l’asthme et la polypose nasosinusienne, doit porter notre croissance sur les prochaines années. Nous avons de belles perspectives dans le traitement du COPD, qui reste un important besoin médical non couvert. Le troisième pilier du « new Sanofi » est la vaccinologie, poussée encore avec la nouvelle plateforme dédiée aux vaccins à ARNm et le rachat de TranslateBio après une première collaboration en juin 2018. Cette science a été révélée par la pandémie.
Pour ces trois axes de recherche et développement, sur lesquels nous avons triplé le nombre de molécules en développement depuis trois ans, la moitié de nos ressources sont situées en France.
– Comment la pandémie a-t-elle modifié la vision de Sanofi en R&D ?
Outre la révélation du potentiel de l’ARNm, le grand changement opéré en R&D durant la crise sanitaire est celui de la façon de mener nos essais cliniques, décentralisés en permettant aux patients d’effectuer certains examens directement depuis leur domicile. Les outils d’intelligence artificielle sont particulièrement précieux en ce sens.
– Quels sont vos investissements dans le domaine de l’IA ?
Nous avons des compétences en interne. CRYO-EM, notre centre d’excellence multidisciplinaire en cryo-microscopie électronique, regroupant biophysiciens et biologistes structuraux depuis deux ans sur la plateforme de Vitry-sur-Seine, permet la modélisation de petites protéines et son application pour l’accélération du drug discovery de la société. C’est une véritable révolution. Nous allons également chercher des compétences là où elles existent. En novembre dernier, nous avons ainsi réalisé un investissement significatif de 180 M$ dans Okwin pour l’utilisation du machine learning en médecine de précision afin de découvrir de nouveaux biomarqueurs et cibles thérapeutiques, de construire des modèles pronostics et de prédire des réponses aux traitements en fonction de données multi sources sur quatre types de cancers. Nous avons par ailleurs signé un partenariat avec la start-up Aqemia, spin-off de l’Ecole normale supérieure (ENS) fondée en 2019 et spécialisée dans la recherche de médicaments grâce à des algorithmes inspirés de la mécanique quantique, pour trouver un traitement antiprotéase efficace contre le SARS-CoV-2. Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres.
– Sanofi a adopté en début d’année une nouvelle identité et le slogan “to chase the miracle of the science to improve people’s lives**”. Que cela signifie-t-il concrètement dans les activités de R&D ?
Nous devons être adaptable et nous laisser guider par la science. Comme le biologiste Charles Darwin le disait : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements ». C’est ainsi que nous ferons des miracles pour les patients.
Juliette Badina
* Cinq membres fondateurs : Sanofi, Gustave Roussy, l’Inserm, l’Institut Polytechnique de Paris et l’Université Paris-Saclay – pour en savoir plus : interview de deux des fondateurs dans Pharmaceutiques n° 290
** Poursuivre le miracle de la science pour améliorer la vie des gens