Les Français s’intéressent de plus en plus à la recherche médicale
La crise sanitaire a été l’occasion pour le grand public de s’intéresser davantage à la recherche médicale, selon le premier baromètre publié par la Fondation de l’Avenir. Les Français souhaitent être partie prenante de ses orientations et préserver son indépendance vis-à-vis des intérêts des entreprises ou des lobbys.
« Le phénomène d’acculturation des Français à la recherche médicale s’est accéléré », a observé Dominique Letourneau, président du directoire de la Fondation de l’Avenir, à l’occasion de la présentation le 14 octobre lors d’un point presse, du premier Baromètre de la recherche médicale. Celui-ci s’appuie sur une cartographie des acteurs de la recherche (fondamentale, clinique et translationnelle) et un sondage auprès de la population générale (1.000 personnes interrogées en janvier puis début septembre) et de médecins (129 généralistes et 171 spécialistes interrogés en janvier). « L’ambition est de dessiner un portrait exhaustif à un instant donné de la recherche médicale en France, à la fois en identifiant les acteurs et les structures, et en caractérisant l’appréhension du grand public et les attentes des médecins », indique l’instance. Ainsi, les Français font montre d’une « appétence », d’une « appropriation » du sujet, reprend Dominique Letourneau. De fait, la santé est au premier rang de leurs préoccupations (54%), devant l’environnement et le pouvoir d’achat (43% pour chaque item). Pour 81% des personnes interrogées, la recherche doit s’intéresser prioritairement aux cancers, devant les maladies neurologiques (67%) et les maladies infectieuses (47%).
« Désir de démocratie sanitaire »
« Le grand public demande que les orientations de la recherche soient discutées par une communauté de citoyens. Il y a un consensus sur le fait que la recherche est un bien commun, qu’elle doit bénéficier à tous, être indépendante vis-à-vis des intérêts des entreprises et des lobbys », détaille Odile Peixoto, directrice de l’institut d’études BVA santé. Elle relève un « problème de fléchage » des moyens financiers. « Les plans nationaux (plans cancer, maladies rares, génomique…) représentent un effet de levier majeur, avec l’inconvénient de générer un effet de mode sur certaines thématiques à un certain moment, analyse Frédéric Kletz, enseignant-chercheur, responsable des recherches en management en santé à MinesParisTech. Il existe aussi des travaux de longue haleine. » La recherche en France conserve une bonne image auprès du grand public (82%) et des médecins (72%). « L’absence de solutions face au covid et la cacophonie des discours ont apporté du doute », pointe néanmoins Odile Peixoto. Elle déplore une « hystérisation des positions », un excès de « dogmatisme, de croyances », en lieu et place d’une « conférence de consensus ». « Nous avons raté l’occasion d’éduquer le public à la controverse scientifique », ajoute-t-elle. Frédéric Kletz signale également une « différence de temporalité » entre « le temps long » de la science et les attentes du grand public.
Un paysage complexe
L’état des lieux qu’il a conduit montre un « paysage extrêmement dense », entre acteurs publics et privés, avec l’émergence de nombreuses start-up. La Fondation met en avant, parmi les « principaux atouts et spécificités de la France, la grande force des CHU organisés en unités mixtes de recherche qui se regroupent sur le territoire, mais aussi l’existence des instituts mutualistes, des fondations et associations, ainsi que l’investissement du secteur privé. » La recherche connaît « trois évolutions majeures », note Frédéric Kletz. « Elle aborde des problématiques sociétales (vieillissement, enfance…) et organisationnelles (accès aux soins). Elle s’intéresse à de nouvelles thérapies (biothérapies, utilisation des applis numériques…). Enfin, la recherche translationnelle entre recherche fondamentale et recherche clinique et la multidisciplinarité montent en puissance. Les acteurs sont avant tout des médecins, des chercheurs, mais aussi des ingénieurs avec la progression du numérique. » Ce morcellement des forces pourrait-il désavantager la France par rapport à d’autres pays ? « Les acteurs sont nombreux mais il y a une volonté de travailler de concert », répond Frédéric Kletz. « La recherche a besoin de compétences variées », rappelle-t-il.
Muriel Pulicani