Les pharmaciens d’Unicancer se mobilisent pour la recherche

Officiellement créé en juin à l’initiative de la fédération des Centres de lutte contre le cancer (CLCC) Unicancer et des pharmaciens des CLCC, le groupe PharmUniK veut promouvoir les projets de recherche portés par des pharmaciens engagés en oncologie. Entretien avec son président Antonin Schmitt, pharmacien clinicien au Centre Georges-François Leclerc et professeur à l’Université Bourgogne Europe (Dijon) et avec sa vice-présidente Régine Chevrier, pharmacienne gérante au Centre Jean Perrin (Clermont-Ferrand).
Quel était le contexte de la création de PharmUniK ? Quels manques doit-il pallier ?
Régine Chevrier, vice-présidente du groupe PharmUniK : Le groupe de pharmaciens pré-existant au sein d’Unicancer est essentiellement constitué des pharmaciens gérants des pharmacies à usage intérieur (PUI) des CLCC, avec des missions centrées sur l’achat et un volet scientifique. Mais ce groupe n’était pas vraiment identifié sur l’activité « recherche clinique », alors qu’Unicancer abrite plusieurs groupes de recherche portés par des médecins, souvent définis par organes. Nous avons souhaité créer PharmUniK pour que les pharmaciens soient un peu plus impliqués dans la recherche clinique et puissent proposer des projets en lien avec leurs missions et thématiques.
Antonin Schmitt, président de PharmUniK : Ce groupe est aussi né de discussions avec Muriel Dahan, directrice de la R&D d’Unicancer. Souvent les pharmaciens hospitaliers ne participent aux essais cliniques que sur le volet de la gestion et logistique des médicaments utilisés. Ils sont rarement promoteurs de projets, en partie par manque de temps mais aussi faute de structure pour les aider à les porter. C’est une capacité et un objectif que n’ont pas forcément non plus les sociétés savantes comme la SFPO (Société française de pharmacie oncologique) ou le GPCO (Groupe de Pharmacologie Clinique Oncologique). Pour autant nous avons constaté que de nombreux pharmaciens avaient des idées de projets de recherche : une des vocations de PharmUniK sera donc de les aider à monter des programmes pertinents, qui puissent aller à leur terme. En nous appuyant sur les compétences et la renommée d’Unicancer nous espérons avoir une force de frappe plus importante.
Comment sera structuré ce nouveau groupe ?
Régine Chevrier : La charte de création de PharmUniK a été signée en juin dernier. Nous avons commencé par recenser les missions des pharmaciens hospitaliers : chacune d’entre elles peut être porteuse de projets de recherche. Nous avons ainsi identifié quatre axes thématiques : médico-économie / santé publique / RSE ; pharmacie clinique / soins pharmaceutiques / pharmacologie ; pharmacotechnie (incluant par exemple la reconstitution des chimiothérapies) ; et produits de santé et numériques / intelligence artificielle. Nous avons ajouté un cinquième axe, dédié à la formation.
Antonin Schmitt : Pour que le groupe ne repose pas que sur deux personnes, nous avons créé des groupes de travail autour de ces thématiques. Chacun se réunira courant septembre. L’idée est que chaque membre puisse proposer des projets de recherche, qui seront discutés à l’échelle du groupe de travail puis de PharmUniK, pour s’entendre sur ceux que l’on souhaite défendre. Il s’agira ensuite de rechercher des financements pour les développer, en postulant aux programmes publics (PHRC, PRME, PREPS…)
Quels types de projets de recherche pourraient être spécifiquement portés par des pharmaciens ?
Antonin Schmitt : L’axe médico-économie inclut une dimension RSE : des projets pourraient ainsi concerner tout ce qui touche au circuit du médicament. Sur l’axe pharmacie clinique / soins pharmaceutiques / pharmacologie, le dosage des médicaments anticancéreux est un sujet qui me tient à cœur, et qui est jusqu’ici plutôt porté par les biologistes médicaux ; or le pharmacien a aussi un rôle à jouer dans cette optimisation de la prise en charge des patients. Une autre piste de réflexion personnelle, à cheval sur ces deux axes : les consultations pharmaceutiques pour les patients qui démarrent un traitement oral n’ont actuellement pas de remboursement propre. Démontrer leur valeur ajoutée pourrait être l’objectif d’un projet de recherche. Les essais que l’on proposera devront être profitables à l’ensemble de la communauté médicale.
Régine Chevrier : Autre exemple : nous nous interrogeons sur une éventuelle réutilisation des boîtes de thérapies orales que les patients ne terminent pas. Concernant la pharmacotechnie, le déploiement de l’automatisation dans les PUI pourrait aussi susciter des projets de recherche. Sur l’axe numérique il pourrait peut-être y avoir des collaborations avec des acteurs hors de la sphère cancer, par exemple des start-ups spécialistes de l’IA.
En quoi consisteront les formations que vous proposerez ?
Régine Chevrier : Nous avons commencé à construire deux modules autour de la recherche clinique : le premier portera sur des aspects théoriques, comme la réglementation, le montage de projets ou encore les demandes de financements (1). Le deuxième sera davantage une mise en pratique. Nous proposons de former par la recherche : nous demanderons aux apprenants de venir avec des idées de projets. Les experts présents pourront les aider à les construire. A l’issue de la formation, les pharmaciens devront être en capacité de déposer un dossier.
Antonin Schmitt : Ces formations sont ouvertes à tous les pharmaciens hospitaliers ayant une activité dans le champ du cancer… et un jour, nous pourrions envisager aussi de l’élargir aux pharmaciens d’officine – mais toujours avec ce focus en oncologie. De même la participation aux activités et groupes de travail de PharmUniK ne sera pas réservée aux membres du réseau Unicancer. J’espère que la mise en avant de projets de recherche intéressants sera un facteur d’attractivité.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) La première session de formation de PharmUniK sera organisée les 29 et 30 septembre prochains au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).