L’IMI grandit et devient l’IHI
Quatorze ans après sa création, l’Initiative Médicaments Innovants (IMI) opère une mue radicale. Lancée aujourd’hui 26 janvier, la nouvelle Innovative Health Initiative (IHI) abordera un champ de bataille plus large, de la prévention au soin, avec le renfort de nouveaux acteurs, mais toujours cette même philosophie de collaboration précompétitive entre la recherche académique, les industriels et d’autres parties prenantes. Entretien avec son directeur exécutif Pierre Meulien, qui passera la main en septembre prochain.
Comment est née cette nouvelle initiative ?
Pierre Meulien, directeur exécutif de l’IMI et de l’IHI : Comme l’Innovative Medicines Initiative (IMI), l’Innovative Health Initiative (IHI) – en français « Initiative en matière de santé innovante » – prend la forme d’une entreprise commune, dans le cadre du programme européen de recherche et d’innovation Horizon Europe (2021-2027). Sa création, adoptée par le Conseil de l’UE, a été publiée au Journal officiel le 30 novembre 2021.
Quel sera son champ d’action ?
Ce champ sera réellement élargi par rapport à l’IMI, puisqu’il s’agira de couvrir tous les aspects de la santé, de la prévention aux soins en passant par le diagnostic. Les projets financés pourront être très éloignés du médicament. Cela implique de faire intervenir d’autres acteurs industriels : aux côtés de l’EFPIA (Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques), pilier de l’IMI, figurent désormais comme membres les représentants européens des sociétés biotech (EuropaBio), de l’imagerie et des technologies de l’information (COCIR), des dispositifs médicaux (MedTech Europe) et du Vaccin (Vaccines Europe). En revanche les fondamentaux sur lesquels nous avions bâti l’IMI ne changent pas : une recherche précompétitive, avec un partage de la propriété intellectuelle en résultant et une large diffusion des résultats. Nous sommes conscients que toutes les thématiques ne s’y prêtent pas.
A périmètre élargi, budget élargi ?
L’IHI est lancée avec un budget de 2,4 Mds€ sur sept ans (1), qui sera alloué au fur et à mesure des résultats des appels à projets, de 2022 à 2027. Nous espérons lancer deux premières vagues d’appels en juin et en décembre 2022. Nous serons peut-être plus sélectifs dans l’évaluation des projets, mais 2,4 Mds€ me semblent un budget suffisant pour établir la preuve de concept de ce nouveau modèle de partenariat, qui démarre avec de nouveaux acteurs. Parallèlement, les projets en cours dans le cadre d’IMI 2 – une centaine aujourd’hui – continuent d’être financés sur le précédent budget, établi à environ 3,3 Mds€ pour 2014-2024 : les derniers projets viennent d’être lancés, certains courent jusqu’en 2027.
Les financements européens s’orientent de plus en plus vers des projets avec des perspectives d’accès au marché de court à moyen terme, favorisant ceux centrés sur les DM ou l’e-santé. L’IHI s’inscrit-elle dans cette tendance ?
Notre objectif, déjà affirmé depuis plusieurs années, est d’accroître la participation des PME en santé. Comme les nouveaux partenaires de cette initiative dans les secteurs de la medtech et du digital comptent énormément de PME parmi leurs membres, j’espère une plus grande implication de leur part. Je ne suis pas sûr que cela freinera les opportunités pour les biotechs : ces dernières ont en tout cas accès à d’autres mécanismes de financement d’Horizon Europe.
Comment seront définies les thématiques des nouveaux appels à projets ?
Le fonctionnement va significativement changer par rapport à l’IMI : ce ne sont plus les membres seuls qui choisiront ces thématiques, mais un Panel Science et Innovation (SIP). Celui-ci sera composé de quatre représentants de la communauté scientifique et de six autres représentants de diverses parties prenantes hors industrie : professionnels de santé, régulateurs, payeurs, représentants de patients… Pour ces postes, un appel à manifestation d’intérêt est ouvert du 24 janvier au 21 février. Les personnalités seront nommées par la gouvernance de l’IHI, pour une durée de trois ans. Le SIP sera complété par des industriels et des membres de la Commission européenne, choisi par les membres fondateurs de l’IHI, ainsi que des représentants des Etats membres. C’est le SIP qui définira les thématiques des appels à projets, mais les grands axes seront bien entendus alignés avec les politiques européennes en matière de santé, incluant par exemple le cancer et la santé digitale.
Qui sélectionnera les projets soutenus ?
L’évaluation des projets s’effectuera, comme c’était le cas pour l’IMI, par des panels d’experts indépendants. La trans-sectorialité sera le premier critère, mais nous voulons maintenir une grande flexibilité dans la taille des projets : en fonction de la thématique, il ne sera pas forcément nécessaire de réunir dix partenaires. Nous n’avons pas fixé d’objectifs sur le nombre de projets que nous soutiendrons. Il y a encore beaucoup d’inconnues sur cette nouvelle initiative, et nous-mêmes avons encore beaucoup à apprendre. Mais je suis convaincu qu’avec l’énergie de nos partenaires et de l’équipe de l’IHI, nous réussirons à lancer des projets innovants qui auront un impact important sur la recherche, les soins et les patients.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) 1,2 Md€ de financement apporté par l’UE, 1 Md€ par les autres membres de l’IHI, 0,2 M€ par d’autres organisations contributrices