Michel Lauzzana, député : « Nous devons renforcer la voix des usagers de santé »
Il y a 22 ans, la loi Kouchner du 4 mars 2002 posait les fondements de la démocratie sanitaire en France. A l’occasion de cet anniversaire, le député de la première circonscription du Lot-et-Garonne Michel Lauzzana (groupe Renaissance), vice-président du groupe d’étude dédié au cancer et secrétaire du groupe d’étude sur les déserts médicaux et l’accès aux soins, livre à Pharmaceutiques sa vision de l’exercice de cette démocratie et propose plusieurs pistes d’amélioration.
Quel état des lieux dressez-vous de la démocratie sanitaire en France en 2024 ?
Michel Lauzzana, député du Lot-et-Garonne : Je fais le constat d’un exercice de la démocratie sanitaire assez disparate sur le territoire. La représentation des usagers au sein des hôpitaux est aujourd’hui bien intégrée, mais pas encore forcément très connue des usagers eux-mêmes ! Il faut aller beaucoup plus loin. Avec le poids que représentent les dépenses de santé et la chronicisation des maladies, le fonctionnement du système de santé est amené à évoluer très fortement. Ces évolutions devront être accompagnées par les citoyens, à qui il faudra en rendre compte. Le rôle du médecin a changé, il est essentiel qu’il s’appuie sur la vision des patients. Dans le cancer par exemple, l’apport des associations est extraordinaire, et ce à tous les niveaux ! Si l’Etat fait tout, tout seul, il fait tout mal. Il faut donc pousser plus avant la représentation des usagers.
Quels sont selon vous les aspects à améliorer en priorité ?
Il faut renforcer la représentation au niveau des territoires. Je propose d’inscrire l’exercice de la démocratie sanitaire parmi les missions des Agences régionales de santé (ARS) et de donner une voix plus importante aux représentants d’usagers dans les différentes instances où ils interviennent – souvent à titre consultatif. Plus on les sollicitera, plus ils seront enclins à prendre davantage de responsabilités au lieu de n’être que spectateurs. Mais pour cela, il est important qu’au-delà de leur propre pathologie, ils comprennent le fonctionnement du système de santé. Actuellement seule une formation « de base » est délivrée aux usagers siégeant dans les différentes instances : il convient de la renforcer par une formation plus régulière, dont les modalités seraient à définir par décret. Et en parallèle, d’étendre à la formation le « droit à congé de représentation », et que ce droit ne bénéficie plus aux seuls salariés mais aussi aux agents publics. Enfin, je crois important d’élargir la base de représentation des patients et usagers, sous la responsabilité des ARS, en ne la limitant pas aux seules associations agréées. Celles-ci étant souvent peu nombreuses dans certains territoires ruraux, ce sont toujours les mêmes personnes que l’on retrouve dans les différentes instances, et qui s’épuisent. Nous devons mobiliser toutes les bonnes volontés. Ces différentes mesures figurent dans une proposition de loi qui a été enregistrée à l’Assemblée nationale en janvier 2023.
Comment comptez-vous engager concrètement ces réformes ?
Cette proposition de loi n’a pas pour but de révolutionner mais de faire évoluer les choses. Je l’avais déposée une première fois il y a deux ans, pour engager ce processus avant les élections législatives. Ayant été réélu, je reprends à présent ce travail que je compte approfondir, en collaborant étroitement avec le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités et en étudiant les bonnes pratiques d’autres pays, dont la France pourrait s’inspirer. Je compte proposer un nouveau texte, plus approfondi, d’ici la fin 2024. En plus des mesures évoquées ci-dessus, je souhaiterais que soit développée la pair-aidance, c’est-à-dire l’accompagnement des patients par des personnes souffrant ou ayant souffert de la même maladie. Celle-ci est inscrite dans la stratégie nationale de santé 2018-2022 mais s’exerce de façon très hétérogène suivant les territoires ou les structures. Et j’aimerais que les représentants d’usagers soient associés aux Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), car ce sont eux qui sont les mieux placés pour faire le lien entre la ville et l’hôpital : il serait dommage que les professionnels de santé se privent de leur regard !
Propos recueillis par Julie Wierzbicki