Nathalie Varoqueaux (Amgen) : « La France a des atouts à faire valoir en oncologie »
Directrice médicale d’Amgen France depuis quatre mois, Nathalie Varoqueaux dévoile la stratégie du groupe pour prendre toute sa place dans l’innovation en oncologie, en pariant notamment sur les molécules ciblées et une nouvelle forme d’immunothérapie. Des développements où la France sera en première ligne.
« La clé du succès en oncologie, c’est de comprendre la biologie ». Ce discours, Nathalie Varoqueaux le tenait déjà lorsqu’elle occupait la vice-présidence Europe Affaires médicales en onco-hématologie chez AstraZeneca. Nommée en mai directrice médicale d’Amgen France, elle a montré, lors d’une rencontre avec quelques journalistes à Paris le 8 septembre, qu’elle entendait continuer à faire valoir cette conviction au service d’un pipeline clinique riche de d’une vingtaine de « nouvelles entités chimiques » en onco-hématologie. Cette aire thérapeutique représente 60 à 70 % du pipeline et du portefeuille du groupe américain.
Une nouvelle mutation adressée
Parmi les composés « first in class » développés par Amgen figure le sotorasib (AMG510), nouvel inhibiteur de tyrosine-kinase, toute première molécule à cibler la mutation KRAS G12C. « C’est la plus fréquente des mutations du gène KRAS, et elle se rencontre dans différents types de cancer, explique Nathalie Varoqueaux. Voilà 30 ans qu’on la connaît… mais jusqu’ici, personne n’est parvenu à développer un médicament la ciblant spécifiquement. »
C’est dans le cancer du poumon qu’elle est la plus fréquente : 12 à 13 % des patients avec un cancer bronchique non à petites cellules (NSCLC) sont concernés. Déjà présenté à l’ASCO et l’ESMO en 2019, le sotorasib reviendra dans quelques jours à l’ESMO 2020, avec de nouvelles données issues d’une phase Ib qui s’est notamment déroulée en France. La phase III, déjà en préparation, devrait impliquer une quinzaine de centres français.
Même si la mutation KRAS n’était pas jusqu’ici une cible médicamenteuse, elle est en effet déjà recherchée en routine au sein des plates-formes de génétique moléculaire mises en place par l’Institut national du cancer : un atout majeur pour le recrutement des patients français pour les essais cliniques, et pour définir par la suite lesquels seront éligibles au traitement.
Dénonçant les lenteurs des procédures administratives pour les autorisations d’essais, qui subsistent malgré les progrès effectués par l’ANSM avant la crise du Covid-19, Nathalie Varoqueaux se félicite pourtant des évolutions qu’elle observe dans l’écosystème français. Elle cite notamment le Health Data Hub, « grâce auquel on a l’opportunité d’avoir une longueur d’avance ».
Une potentielle alternative aux CAR-T
Alors que le sotorasib se positionne comme complémentaire plutôt que concurrent des immunothérapies type anti-PD1/PDL1, Amgen entend proposer une alternative aux thérapies CAR-T avec sa plate-forme BiTE® (bispecific T cell engager). Il s’agit de combiner des fragments d’anticorps pour activer in vivo les cellules immunitaires du patient (lymphocytes T) contre les cellules tumorales. Issue du rachat de l’allemand Micromet en 2012, cette technologie a déjà donné naissance à un premier médicament, Blincyto®, autorisé aux Etats-Unis et en Europe dans une forme rare de leucémie aiguë lymphoblastique.
Amgen travaille aujourd’hui sur une nouvelle génération de construction protéique à plus longue durée d’action, grâce à l’intégration d’un fragment Fc. Même s’il ne s’agit pas d’une thérapie à administration unique comme pour les CAR-T, les composés issus de la plateforme BiTE® devraient présenter un avantage certain quant à la logistique de prise en charge des patients. En termes d’action biologique, leur petite taille à même de favoriser les interactions inter-cellulaires pourrait également être un atout par rapport aux anticorps bispécifiques, développés par d’autres sociétés.
L’enjeu scientifique est toutefois le même que pour les CAR-T : trouver pour chaque type tumoral l’antigène le plus sélectif, et le moins exprimé par les cellules saines. Même s’il est encore trop tôt pour déterminer la « stratégie gagnante », celle-ci devrait passer par une combinaison de médicaments. « Traiter « à vie » n’a pas de sens, affirme Nathalie Varoqueaux. Comme pour toute immunothérapie, l’objectif recherché est la guérison ».
Julie Wierzbicki