Séverine Sigrist (Defymed) : « Il n’y a plus assez de financement pour l’innovation »
Créée en 2011 à Strasbourg, Defymed développait des dispositifs médicaux implantables, notamment pour le traitement du diabète de type 1. L’aventure a pris fin le 7 août dernier avec sa liquidation judiciaire. Séverine Sigrist, qui dirigeait la société depuis sa création, revient sur les raisons de cet échec.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées expliquant la liquidation de Defymed ?
Séverine Sigrist, ex-CEO de Defymed : La pandémie de Covid-19 nous a fait prendre 18 mois de retard. Nous espérions déposer en mars 2020 le dossier de demande d’essai clinique de notre dispositif médical ExOlin® pour la délivrance d’insuline par voie physiologique dans le diabète de type 1, mais nous avons dû attendre septembre. Et pendant l’examen du dossier, le règlement européen sur les DM est entré en vigueur : nous avons dû fournir des données complémentaires, et réaliser un double dépôt « DM » et « médicament ». Nous n’avons obtenu que fin 2021 l’autorisation de démarrer notre essai ! Il nous fallait procéder à une nouvelle levée de fonds pour le mener à bien. Or l’année 2022 a été catastrophique pour l’investissement privé. Les fonds, ne parvenant plus eux-mêmes à réunir des financements, se sont concentrés sur leur portefeuille de start-up sans accueillir de nouvel entrant. Il était déjà difficile auparavant de financer un projet de DM implantable de classe III – en douze ans nous n’avions levé que 5 M€. Désormais, dans un contexte de complexification réglementaire, avec des investisseurs plus frileux exigeant une rentabilité financière à court terme, c’est devenu mission impossible, du moins en France. Et ce qui nous arrive va concerner beaucoup d’autres medtech et biotech.
Est-ce à dire que les fonds Tibi et les grandes initiatives lancées dans le cadre de France 2030 ne sont pas suffisants ?
Pas pour une société comme la nôtre en tout cas. Je crois qu’il aurait été plus facile de trouver des investisseurs en lançant une application numérique, pour financer le développement de nos dispositifs médicaux ! Defymed aurait pu avoir un soutien de la région wallonne, en Belgique, pour initier le développement clinique de notre autre dispositif implantable, MailPan®, qui incorpore des cellules sécrétrices d’insuline. Les autorités belges sont plus ouvertes que les françaises vis-à-vis des technologies intégrant de la thérapie cellulaire. J’étais prête à y créer une filiale, mais nous avons manqué de temps et de financement pour cela. Nous avons aussi tenté de nouer des accords avec des grands groupes industriels, mais ils demandaient des données cliniques. Pour autant nos technologies n’ont jamais été remises en cause, nous avions même collaboré avec d’autres entreprises, par exemple avec GlioCure pour utiliser ExOlin® dans le traitement des glioblastomes… il y avait une vraie attente des neurochirurgiens !
Que vont devenir les actifs de Defymed ?
Nous n’avons pas réussi à trouver un acquéreur pour la société pendant le court mois laissé entre la mise en redressement judiciaire début juillet et la liquidation. Je travaille avec le liquidateur à rechercher un repreneur au moins pour les actifs de Defymed, la propriété intellectuelle et les données accumulées. Nous avons un peu plus de temps, et déjà des marques d’intérêt. Mon objectif aujourd’hui est vraiment que les technologies sur lesquelles je travaille depuis vingt ans puissent un jour arriver jusqu’au patient.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki