Thierry Marquet, general manager de Takeda France : « Une ambition forte dans les maladies rares »
Nouveau general manager de Takeda France1, Thierry Marquet dévoile les perspectives de développement du groupe japonais. Spécialiste des maladies rares, il soutiendra notamment le lancement de plusieurs innovations jugées prometteuses dans les années à venir. Entretien.
Gériatre de formation, vous avez rejoint l’industrie pharmaceutique au terme d’une première expérience hospitalière. Pour quelles raisons ?
Il y a vingt-quatre ans, une déléguée médicale m’annonçait l’arrivée imminente d’un traitement prometteur contre la maladie d’Alzheimer. A l’époque, nous n’avions quasiment rien à proposer à nos patients, une fois le diagnostic posé. Cette nouvelle fut une véritable révélation. Trois mois plus tard, je quittais la fonction publique pour devenir le premier médecin produit en charge du lancement de cette nouvelle molécule2. Inédit pour moi, ce mode d’exercice m’a plu, essentiellement pour sa richesse, sa diversité et son utilité.
Quelles sont les différences fondamentales entre la médecine hospitalière et la médecine pharmaceutique ?
Avant de rejoindre l’industrie, j’ai débuté ma carrière médicale dans un service hospitalo-universitaire de médecine interne gériatrique, où j’ai notamment participé à la création des premières consultations mémoires dédiées aux diagnostics de la maladie d’Alzheimer3. Moins centrée sur le soin mais plus holistique, la médecine pharmaceutique poursuit inlassablement le même but : le bénéfice du patient. La mise à disposition de traitements innovants a une incidence directe sur la qualité et le parcours de vie des malades, mais aussi de leurs proches.
Votre expérience médicale a-t-elle pesé dans votre récente nomination ?
Très certainement. Les médecins de l’industrie sont des spécialistes du médicament. Ils connaissent les lois, les règlementations et les politiques de santé. Leurs compétences médico-techniques sont particulièrement utiles dans le champ de l’évaluation. Ils sont souvent les mieux placés pour mener à bien une négociation avec les autorités sanitaires. Les affaires médicales et l’accès au marché sont devenus des départements hautement stratégiques dans l’industrie pharmaceutique. Ce sont des aptitudes de plus en plus recherchées par les recruteurs, y compris pour les plus hautes fonctions dirigeantes d’un laboratoire.
Eisai, Otsuka, Takeda… Vous avez travaillé pour de nombreux laboratoires japonais durant votre carrière. Quelles sont les points communs entre ces différentes entreprises ?
Les laboratoires japonais ont une culture très singulière. L’éthique, la rigueur, le respect, la probité et l’intégrité sont des valeurs fondamentales. Membre du Top 10 mondial, Takeda incarne cette philosophie multiséculaire, où se mêle tradition et modernité. Biothérapies, médicaments dérivés du plasma, thérapies cellulaires… Le groupe mise sur des technologies innovantes pour renforcer ses positions dans ses aires thérapeutiques de prédilection4, à l’instar des maladies rares qui représentent aujourd’hui près de la moitié de ses actifs (elles représenteront les trois-quarts dans dix ans, ndlr).
Quelles sont les perspectives de développement du groupe à long terme ?
Takeda s’est fixé des objectifs ambitieux à l’horizon 2030. Son chiffre d’affaires devrait atteindre 5 000 milliards de yens par an, soit 39,5 milliards d’euros. Pour y parvenir, le groupe table sur un taux de croissance annuel moyen de 5 %. Il s’appuiera en partie sur la vitalité de sa R&D. Une quarantaine de molécules sont actuellement en développement. Douze d’entre elles seront lancées d’ici trois à cinq ans, dont un traitement pour prévenir les infections après les greffes, un vaccin préventif contre la Dengue et plusieurs innovations en oncologie. C’est un immense honneur et une vraie fierté d’avoir été nommé responsable de la filiale française dans une période si dynamique.
Quelle place la filiale française occupe-t-elle au sein du groupe ?
Nous sommes la cinquième filiale du groupe. Nous employons 270 collaborateurs pour un chiffre d’affaires estimé à 408 millions d’euros lors du dernier exercice comptable5. Plus important encore, Takeda France est un acteur majeur de la politique de santé hexagonale. Preuve de notre intérêt pour les patients, nous avons obtenu neuf ATU et une RTU au cours des trois dernières années. Parmi d’autres innovations, nous lancerons prochainement une monothérapie indiquée dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules avancé chez les adultes présentant un réarrangement du gène ALK.
Quelles seront vos grandes priorités au cours des douze prochains mois ?
Outre les lancements de produits à venir, nous souhaitons devenir un acteur global de santé. Au-delà des médicaments que nous proposons, nous tâcherons d’améliorer la qualité de vie des malades, tout au long du parcours de soins. Nous chercherons également à mieux faire connaître Takeda. Nous sommes clairement identifiés auprès des autorités sanitaires et des associations de patients, mais nous souffrons toujours d’un manque de notoriété auprès des professionnels de santé et du grand public. Nous poursuivrons par ailleurs le processus d’intégration du laboratoire Shire, dont la fusion a été finalisée en avril dernier.
Quel regard portez-vous sur la réforme en cours du système de santé ?
Nous validons les grands axes du plan « Ma Santé 2022 ». La réforme de l’organisation territoriale des soins sera avant tout celle de l’exercice coordonné. Les CPTS joueront un rôle déterminant dans la transformation engagée. Ces structures pluriprofessionnelles permettront notamment d’optimiser la prise en charge des patients atteints de maladies rares, encore trop souvent en situation d’errance diagnostique. C’est une évolution structurante à laquelle nous voulons rapidement contribuer.
Propos recueillis par Jonathan Icart
(1) Le Dr Thierry Marquet a été promu general manager par intérim de Takeda France en décembre dernier. Gériatre de formation, il était devenu senior director de l’accès des patients à l’innovation il y a un an, à l’issue de la fusion avec Shire où il officiait précédemment. Il conservera cette fonction en marge de ses nouvelles responsabilités.
(2) Co-développé par Eisai et Pfizer, Aricept® (donépézil) est indiqué dans le traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer pour les formes légères à modérément sévères.
(3) L’hôpital Avicenne, rattaché à la faculté Paris XIII (AP-HP).
(4) Les maladies rares, l’hématologie, la gastro-entérologie et l’oncologie.
(5) Année fiscale allant du 1er avril 2019 au 31 mars 2020.