Une « nouvelle maladie » pédiatrique liée au Covid-19
152 signalements de « maladies systémiques atypiques pédiatriques », décrites comme une « pseudo-maladie de Kawasaki », ont été enregistrés par Santé publique France (décompte au 19 mai). Coordinatrice du registre national de la maladie de Kawasaki, le Pr Isabelle Koné-Paut, chef du service de rhumatologie pédiatrique au CHU de Bicêtre, estime pourtant qu’il s’agit là d’une pathologie distincte.
En quoi ces cas pédiatriques de maladies systémiques, apparus à la suite du pic de contamination au Covid-19, se distinguent-ils de la maladie de Kawasaki ?
C’est dommage qu’il y ait eu un amalgame au début, car les tableaux cliniques sont différents. La maladie de Kawasaki est un syndrome inflammatoire systémique rare (environ 450 cas par an en France) qui touche majoritairement les enfants de moins de cinq ans, avec une médiane d’âge à deux ans. Elle se manifeste généralement par une fièvre prolongée, une forte irritabilité, les yeux rouges, les lèvres sèches et souvent des gonflements des mains et des pieds ainsi que des ganglions au niveau du cou… Or parmi les premiers 125 cas détectés en France à partir de début avril et pour lesquels des données ont été remontées à Santé publique France, les patients sont plus âgés : 85 ont plus de cinq ans, dont neuf ont plus de 15 ans ! Près de la moitié des enfants hospitalisés dans ce contexte a été admise en réanimation pour insuffisance cardiaque de type myocardite sévère avec au premier plan, en plus de la fièvre, une fatigue extrême, des difficultés respiratoires et une diarrhée. D’autres patients ont une atteinte cardiaque moins marquée, et quelques-uns ont présenté des signes que l’on voit aussi dans la maladie de Kawasaki, ce qui ne veut pas dire qu’il s’agit exactement de la même chose. Dans la maladie de Kawasaki « classique », en cas d’atteinte cardiaque ce sont généralement les artères coronaires (artères qui nourrissent le cœur) qui sont touchées et les passages en réanimation sont très rares. Pour moi, il s’agit plutôt de deux maladies différentes.
Y a-t-il tout de même des traits communs entre les deux maladies ?
La maladie de Kawasaki n’a pas de cause précise mais nous savons qu’elle peut survenir quand une infection virale préalable a entraîné une sur-réaction inflammatoire. Dans le cas de la nouvelle maladie, le lien avec le Covid-19 est aujourd’hui établi : la presque totalité des patients a été testée positive au SARS-CoV-2. La majorité des cas a d’ailleurs été observée en Ile-de-France, région la plus touchée par le Covid-19. Un ou plusieurs facteurs de prédisposition ont pu favoriser cette réaction inflammatoire exagérée après infection par le SARS-CoV-2, qui dépasse en intensité ce qu’il est habituel de voir dans une maladie de Kawasaki « classique ». L’avenir nous dira s’il existe des liens entre les deux et les progrès de la recherche sur l’une bénéficieront certainement à l’autre.
Quelle évolution prévoyez-vous ?
Je veux rassurer les parents : à ce jour il n’y a eu qu’un seul décès lié à cette nouvelle pathologie, sur lequel des investigations restent à faire. Les jeunes patients qui ont été admis en réanimation ont répondu vite au traitement. Les signes motivant une consultation urgente sont la pâleur, la grande fatigue, et les difficultés respiratoires qui évoquent l’atteinte cardiaque. Un système de signalement des cas en temps réel par les pédiatres, a été mis en place par Santé publique France. D’autres pays (Royaume-Uni, Italie, Espagne…) enregistrent également ce type de cas. Mais de la même façon que la courbe des contaminations au SARS-CoV-2 ralentit, on observe déjà une régression du nombre de cas, qui demeurent aussi très marginaux par rapport à l’ensemble de la population pédiatrique. Pour moi, cette maladie reste un épiphénomène, purement lié à ce virus et qui disparaîtra avec lui.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki