Violences intrafamiliales : la médecine au chevet des victimes
Créé à l’initiative du Conseil national de l’Ordre des médecins, le Comité national des violences intra familiales propose des recommandations et des outils pour aider les professionnels de santé à lutter contre un fléau qui tend à s’aggraver depuis le début de la crise sanitaire. Enjeux et perspectives.
Sensibiliser, convaincre et agir. Depuis plusieurs années, les professionnels de santé jouent un rôle central dans la prise en charge des violences intrafamiliales. Historiquement engagé dans cette lutte, le Conseil national de l’Ordre des médecins a été partie prenante du premier Grenelle des violences conjugales. Il a également participé à l’élaboration d’un vade-mecum sur le secret médical et les violences au sein du couple, en lien avec la HAS et le ministère de la Justice. Pour améliorer la détection et l’accompagnement des victimes, l’institution ordinale a surtout initié la création d’un comité indépendant, interinstitutionnel et pluridisciplinaire, dont la présidence a été confiée à Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, sa première vice-présidente. Un « choix naturel » au regard de son expérience et de sa compétence. Médecin généraliste en activité, elle a longtemps pratiqué la médecine légale en tant qu’experte auprès des tribunaux. Parmi ses nombreux objectifs, elle entend mieux protéger les personnes vulnérables. « Nous voulons rassembler et mobiliser les instances et les acteurs pour renforcer l’efficience des dispositifs existants », affirme-t-elle.
Informer et orienter
Installé il y a dix-huit mois, le CNVIF regroupe des experts et des représentants issus de différents secteurs. « Il réunit des professionnels de la santé, du médico-social, du droit, de la justice et du monde associatif », précise Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi. Composée de cinq commissions*, la structure est chargée de produire des avis et des recommandations. Elle s’est notamment proposée de compléter et de perfectionner le système de signalement des violences intrafamiliales via les pharmacies d’officine. Un dispositif mis en place pendant le premier confinement par le ministère de l’Intérieur, avec l’appui de l’Ordre national des pharmaciens. Elle a également émis un avis-recommandation sur les certificats de virginité, en rappelant la conduite à tenir aux Ordres concernés. Parmi d’autres services, le CNVIF aiguille les professionnels de santé dans leurs démarches. A titre d’exemple, une brochure de présentation des réseaux associatifs de soutien, d’orientation et d’accompagnement des victimes et un annuaire des associations ou des antennes locales répertoriées sur tout le territoire sont téléchargeables sur son site internet. « Ces documents doivent leur permettre d’identifier rapidement les bons interlocuteurs », insiste-t-elle.
Des objectifs concrets
Dommage collatéral de la pandémie, les violences intrafamiliales ont sensiblement augmenté depuis le début de la crise sanitaire**. « Les femmes et les enfants sont les plus exposés. Leur défense doit être notre priorité », relève Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi. Pour inverser la tendance, le CNVIF veut étendre son champ d’action. Des outils de repérage des situations à risque et des outils de dépistage des victimes sont actuellement en préparation : « Ils seront adaptés et intégrés à la pratique professionnelle. » Au-delà des aspects techniques, les membres du comité continueront à coordonner et diffuser les travaux effectués, à assurer le suivi des différentes stratégies adoptées, à évaluer leur intérêt ou encore à promouvoir la formation, l’enseignement et la recherche sur le sujet. « Une attention particulière sera portée sur les auteurs des violences pour mieux prévenir les récidives », souligne-t-elle. A l’image d’une collaboration annoncée avec le ministère des Sports, le CNVIF multipliera les partenariats. Il cherchera aussi à faire des émules, y compris à l’international. Une présentation officielle devant le Conseil européen des Ordres des médecins est programmée au printemps prochain.
Jonathan Icart
(*) Le CNVIF comporte cinq grandes commissions : la commission des violences faites aux femmes, la commission des violences faites aux enfants et adolescents, la commission avis-recommandations, questions d’éthique, de déontologie et juridiques, la commission recherche et la commission enseignement et formation. Il dispose également d’une délégation aux relations extérieures.
(**) Selon des données gouvernementales, les signalements de violences conjugales et les maltraitances et violences faites aux enfants au sein de la famille avaient augmenté de 30 % durant le premier confinement. Entre janvier et mai derniers, les violences intrafamiliales ont progressé de 20 % par rapport à la même période l’an passé.