Yposkesi change d’échelle
D’ici quelques mois, la CDMO francilienne Yposkesi sera dotée d’un deuxième bâtiment de production de vecteurs viraux pour la thérapie génique, qui entrera en fonction début 2024. La société, née en 2016 grâce à l’initiative de l’AFM Téléthon et de Bpifrance, disposera alors de nouvelles capacités de production GMP à l’échelle commerciale, alors que plusieurs dizaines d’AMM sont attendues dans les prochaines années. Le point avec Alain Lamproye, président exécutif d’Yposkesi.
A quel stade de développement en sont les projets aujourd’hui confiés à Yposkesi ?
Alain Lamproye, président exécutif d’Yposkesi : Dans notre bâtiment actuel à Corbeil-Essonnes, nous disposons de quatre suites de production, équipées d’un total de cinq bioréacteurs de 200 litres et d’un de 1 000 litres, ainsi que deux suites de remplissage aseptique. Yposkesi possède deux plateformes de production pour les vecteurs lentiviraux et adéno-associés. Nous gérons aujourd’hui une vingtaine de projets actifs, majoritairement en phases précoces (lots de la phase préclinique jusqu’à la phase I/II). Seuls deux projets ont atteint la phase de développement pivot, pré-AMM. Mais nous avons des contacts avec plusieurs futurs clients potentiels, pour qui notre extension de capacité représente un réel atout.
Quelle offre de production serez-vous en mesure de proposer à vos clients après la mise en service du nouveau bâtiment ?
Le nouveau bâtiment, d’une empreinte au sol similaire à l’actuel (5 000 m²), comportera deux suites de bioproduction GMP, chacune équipée de deux bioréacteurs de 1 000 litres. Nous augmenterons donc significativement nos capacités de production, avec un total de 6 000 litres installés. Avec cette extension, nous pourrons accompagner nos clients depuis les lots précliniques jusqu’à la phase commerciale. Cela dépendra bien sûr du type de thérapie génique développée et de l’indication. Traiter une maladie musculaire systémique comme la dystrophie musculaire de Duchenne nécessite de très grandes quantités de vecteurs, dont la production pour le marché mondial mobiliserait sans doute plusieurs sites. En revanche pour une maladie ophtalmique, comme l’amaurose de Leber, la quantité de vecteurs requise est bien moindre : dans certains cas, des bioréacteurs de 200 litres pourraient même suffire.
« Notre extension de capacité représente un réel atout pour de futurs clients potentiels »
Alain Lamproye, président exécutif d’Yposkesi
Quelles étapes restent à franchir avant son ouverture ?
L’installation du site sera finalisée fin février 2023. Il faudra alors compter huit à neuf mois pour la qualification de la nouvelle unité, puis son approbation par l’ANSM – reconnue par l’EMA. L’activité de production sera opérationnelle pour la production de lots début 2024. Nous espérons aussi être approuvés par la FDA, le bâtiment ayant été conçu pour répondre aux exigences réglementaires imposés par l’autorité américaine. Une inspection par l’agence américaine pourra être envisagée ultérieurement, dans le cadre d’un projet nécessitant la production de lots de phase III pour le compte d’une société américaine et des essais cliniques réalisés aux USA. Ce deuxième bâtiment a également été conçu de façon à ce que l’on puisse y ajouter deux nouvelles suites de production sans interrompre l’activité des autres suites. En cas de besoin, une nouvelle extension de capacités pourrait ainsi intervenir dans des délais raccourcis.
D’autres sociétés investissent dans l’extension de leurs capacités, à l’exemple de ReiThera en Italie, qui s’apprête à ouvrir un nouveau site de production de vecteurs. Comment comptez-vous vous démarquer pour attirer de nouveaux clients ?
Notre principal atout est certainement notre capacité à accompagner nos clients dès les étapes préliminaires, avec du développement de procédés et analytique. Dans ce domaine technologique de pointe, le savoir-faire est essentiel… et nous bénéficions de toute l’expertise accumulée depuis plus de trente ans par Généthon ! A partir du moment où l’on a commencé à produire des lots de vecteurs pour un client, celui-ci devient, d’une certaine manière, « captif ». Le transfert d’un bioprocédé d’un site à un autre est complexe, risqué et coûteux, nécessitant un essai clinique pour démontrer la bioéquivalence des lots produits sur deux sites différents.
L’amélioration des rendements de bioproduction est un enjeu majeur et une priorité au plus haut sommet de l’Etat. Comment contribuez-vous à cet effort ?
Nous investissons beaucoup dans de nouvelles technologies, nous menons des travaux en partenariat avec Généthon et avec des sociétés tierces, y compris à l’international. Nous sommes notamment partenaires du projet ASMA (1), lauréat début 2022 de l’appel à projet du Grand Défi Biomédicaments. Aenitis Technologies, qui conduit le projet, utilise des technologies acoustiques pour améliorer les étapes clés de transfection des plasmides. La purification et la caractérisation analytique de nouveaux produits sont aussi des défis majeurs sur lesquels nous travaillons.
Malgré le changement d’actionnaire d’Yposkesi en 2021 (2), Généthon est-il toujours un client prioritaire ?
Aujourd’hui, Yposkesi a une relation privilégiée avec Généthon, et a assuré la production de l’ensemble des lots dont Généthon a besoin pour alimenter ses propres essais cliniques. Cette relation privilégiée sera poursuivie dans le futur ; il est important pour nous, et cela fait toujours partie de notre mission, de contribuer au développement de nouvelles thérapies pour les maladies rares.
Propos recueillis par Julie Wierzbicki
(1) Acoustic Solutions for Manufacturing Advanced Therapies (ASMA)
(2) Depuis mars 2021, le capital d’Yposkesi est détenu à 70 % par SK Pharmteco, holding américaine du groupe sud-coréen SK. La holding H-MRB (AFM-Téléthon, Généthon, Centre d’étude des cellules souches) en conserve 25 % et Bpifrance 5%.