Incyte confirme son nouveau positionnement en dermatologie
Historiquement centré sur l’onco-hématologie, l’américain Incyte s’est récemment lancé dans le champ de la dermatologie aux Etats-Unis et s’apprête à faire de même en Europe. Une première molécule vient d’obtenir un avis favorable de l’EMA dans le vitiligo, maladie contre laquelle il n’existe à ce jour aucun traitement approuvé en Europe.
Les filiales européennes du laboratoire américain Incyte s’apprêtent à investir un nouveau champ thérapeutique, celui de la dermatologie. Le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA a en effet rendu le 23 février dernier un avis favorable (fondé sur deux études de phase III en monothérapie contre placebo) à l’autorisation d’Opzelura® (formulation en crème de ruxolitinib) comme traitement suspensif du vitiligo non segmentaire, chez les adultes et adolescents de plus de douze ans avec une atteinte faciale. Il s’agit de la forme la plus fréquente (plus de 80 % des cas) de cette maladie qui se manifeste par une dépigmentation de la peau en taches, du fait d’une destruction des mélanocytes. « 500 000 patients sont touchés en France, dont les deux tiers voient la maladie démarrer avant l’âge de trente ans, avec un fort impact sur la construction identitaire : plus de la moitié des patients souffrent de symptômes dépressifs », rapporte Stéphanie Langlet, directrice Affaires médicales inflammation et auto-immunité d’Incyte France.
Reformulé pour une nouvelle indication
Si l’indication est nouvelle, le ruxolitinib, issu des paillasses d’Incyte, a déjà une longue histoire. Sous la marque Jakafi® (Jakavi® en France), cette molécule inhibitrice de JAK-1 et JAK-2 est commercialisée depuis plus d’une décennie, sous forme orale, dans différentes indications en onco-hématologie. Incyte a conservé les droits aux Etats-Unis et les a licenciés à Novartis dans le reste du monde. « Ce sont les chercheurs d’Incyte qui ont eu l’idée d’exploiter ses propriétés anti-inflammatoires et immunologiques dans des indications en dermatologie », rapporte Olivier Pilley, directeur général de la filiale française.
Sous sa nouvelle formulation topique et son nouveau nom de marque Opzelura®, le ruxolitinib a été lancé aux Etats-Unis d’abord dans la dermatite atopique en 2021, puis dans le vitiligo en 2022. Le principe actif est produit aux Etats-Unis, et le façonnage pour l’Europe est réalisé par un prestataire aux Pays-Bas. En cas d’AMM européenne, cette nouvelle crème pourra être prescrite « par tout médecin expérimenté dans la prise en charge du vitiligo, en premier lieu les dermatologues, mais aussi pourquoi pas des généralistes : promouvoir nos produits en médecine de ville va être quelque chose de totalement nouveau pour nous ! », anticipe Olivier Pilley.
D’autres pathologies explorées
Le feu vert européen dans le vitiligo ne devrait constituer qu’une première étape en dermatologie en Europe. Un enregistrement dans la dermatite atopique, marché plus concurrentiel, est envisagé à moyen terme. « Opzelura® est aussi en développement clinique dans plusieurs autres pathologies en dermatologie, comme le lichen plan ou la maladie de Verneuil… et nous avons aussi d’autres molécules en phase clinique dans cette aire thérapeutique, cette fois plutôt sous forme orale », précise Stéphanie Langlet. Le laboratoire a récemment procédé à une première opération de croissance externe en dermatologie avec le rachat à l’automne dernier de l’américain Villaris Therapeutics. Celui-ci disposait dans son pipeline d’un anticorps anti-ILR 15, l’auremolimab, qui pourrait éventuellement se positionner comme traitement de recours en cas de rechute (retour des plaques de dépigmentation) du vitiligo : les essais cliniques sont sur le point de démarrer.
Julie Wierzbicki